Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

vendredi 21 août 2015

Interruption momentanée...


Et maintenant, c’est le Nicaragua !! Trois jours à Managua,pour régler une tonne de choses et souffler un peu, à l'hôtel Pandora, un hôtel pour moi toute seule! Et oui, ils ont ouvert il y a trois semaines; du coup, sur aucun guide et cela commence tout juste par AirBnB; Du coup, ils étaient aux petits soins pour moi.
Comme ils viennent d'ouvrir, les prix sont tous doux: 11 dollars la nuit. Sympa, hein? Et le salon oriental, vous me direz, ça ne fait pas très couleur locale. Simplement, Adi, la gérante, aime ce style et aime fumer la chicha, donc voilà... Et pourquoi pas, finalement?
Ce matin, trois heures de bus brinquebalant (mais je les adore, ce sont les vieux cars scolaires nord américains recyclés quand jugés plus aux normes pour nous) jusqu'à Matagalpa, dans les montagnes à café du nord-est du Nicaragua. Emplettes de bottes en caoutchouc pour la ferme, et au passage un chauffeur de taxi amoureux de moi (enfin, à la mode africaine, hein: en Afrique, lorsqu'on est blanc, on pourrait se marier dix fois par jour) avant de me retrouver, le soir, à papoter avec un groupe de jeunes travestis assis sur le banc d'un parc, interdits d'assister à la fête dans le bâtiment voisin car celle-ci était réservée aux muchachas...

Et demain je pars pour El Yunque, à San Antonio de Upa, une ferme sans eau courante ni électricité. Donc, coupée d’internet durant à peu près deux semaines. Mon dieu, comment vais-je faire ? :-) J'ai déjà chaque jour tellement de choses à raconter...

Donc, à dans deux semaines....

32 heures dans le Greyhound bus

Adieu Detroit, adieu l’Amérique du Nord, maintenant, c’est l’Amérique centrale qui m’accueille pour deux mois et demi. Mais bien sûr, pour y aller, je n’ai pas choisi le plus simple, cela aurait été mal me connaître…. Au lieu de prendre l’avion pour Managua via Houston, je me suis dit : « Mais bon sang, c’est l’occasion rêvée de faire un road trip américain !" Donc, Detroit – Houston par la route, avant de – tout de même – prendre l’avion ensuite pour Managua.  Et puis, pour que le mythe soit total, j’ai fait la route par le Greyhound bus, celui que prennent tous ceux qui fuient quelque chose ou quelqu’un dans les films américains.

Ah, les rêves des highways américaines, les kilomètres der route qui monte et descend jusqu’ à l’infini, de petites villes traversées, la poussière, le désert (Houston est au Texas, hein). M’ouais. Ca, c’est sur les highways. Sauf que les Greyhound prennent les interstates, plus rapides. Et pour cause : on y a effacé les pentes  à coup de creusement, et manifestement elles passent systématiquement par les lieux les plus inintéressants des états traversés.  Constat de Kieran : « Elles donnent l’impression aux Américains que leur pays est le même partout… »

Et j’ai fait ça pour 32 heures, du dimanche 11 h 45 au lundi 18 h (avec un décalage horaire de deux heures).  Detroit – Toledo, Columbus, Cincinnati, Ohio – Louisville, Kentucky - Nashville, Memphis, Tennessee – Little Rock, Arkansas – Dallas, Houston, Texas. Bon, ne mégotons pas, c’est une expérience que je ne regrette pas. Dans les Greyhound, il y a toujours des gens avec lesquels on discute. Quoique cela a été plus le cas au Canada qu'aux USA... 

Mais côté organisation, c’est nul !!!!  Les horaires fluctuent ; même dans les plus petites gares en France, on trouve un panneau lumineux avec les heures, le quai, les retards… Chez Greyhound, niet ! Aucune indication de quai ou d’heure, il faut attendre un appel au micro. Micro plus accent plus ou moins prononcé, même moi qui suis quasiment bilingue, je ne comprenais pas. Ajoutons une absence totale d’horloge dans les gares, qui m’a conduite à ne pas savoir que l’heure avait changé à Memphis(heureusement dans le bon sens, j’en ai été quitte pour une heure d’impatience en croyant que le bus était en retard. Si le décalage avait été inverse, je me serais pointée comme une fleur une heure après le départ du bus…).

Les gares sont mortelles, et situées dans les lieux les plus vides des villes. Heureusement, dès que l’étape me le permettait, j’allais me balader dehors au hasard et le nez au vent, ce qui m’a permis, à Louisville, de tomber sur un concert en plein air de l’église baptiste Saint-Steven, au coin de Fourth Street et Muhammad Ali Street, à deux pas d’un palace.





Dallas, c’était un déjeuner au sous-sol de la Bank of America. Au lieu d’avoir une cantine, la banque a des food stalls ; hamburgers, repas asiatique, salades, junk food ou health food, on a le choix ! t la sécurité est top : un garde me conduit à l’escalator, un deuxième, prévenu de l’arrivée d’une routarde avec son sac à dos, m’accueille en bas, le tout avec le sourire. Il est vrai que, moi aussi, j’ai le sourire (il n’y a pas de raison que je leur fasse la gueule, ils font leur travail), et je n’ai pas le comportement classique du routard je m’en-foutiste, donc, excellent accueil.

Enfin, à Houston, soirée couchsurfing mémorable chez Becky et ses colocataires. Comme elle n’arrivait que tard, je suis allée me balader dans le centre. Quelle différence avec Detroit !  Tout en excellent état, des bus et des trams tout neufs… Je me suis fait plaisir en allant manger dans un palace ouvert dans une ancienne banque (ça, c'est mon côté bourgeois, j'adore ces moments). Là, je dois dire que l’Amérique du Nord est un plaisir : malgré mon sac à dos et le plat pas cher que j’ai pris (mais avec un verre de vin tout de même), j’ai été accueillie à bras ouverts par la maître d’hôtel, on a papoté comme de vieilles amies et le serveur était aux petits soins pour moi. Bon, là encore, je pense que ma bonne bouille ouverte et bien élevée joue pour moi…Cela compense les fois où cela me dessert :-).
Je ne sais pas pourquoi, mais j'adore les pubs dans les trams américains.




Icon hotel; mmhh, un plaisir à savourer...
Enfin, chez Becky, les amis ont défilé et cela a discuté jusque tard dans la nuit, avec entre autres un étudiant en religion qui parlait de Deleuze (jamais lu, honte à moi), Sartre et Beauvoir, Platon, puis de satanisme et sacrifices humains, tandis qu’une autre avait été Peace Corps (des volontaires américains dans l’humanitaire) durant deux ans chez les Peuls au nord du Sénégal… Enfin bref, une soirée délirante…
Du coup, le lendemain, au lieu de me balader dans Houston avant mon départ le soir, nous sommes tous allés dans un café branché à côté pour pianoter sur nos ordis.

Agora café: bois vieilli et métal, cafés de qualité et snacks "healthy", clientèle jeune avec portable de préférence Apple, le café branché par excellence. Etonnant qu''il n'y ait pas eu de hipster à l'intérieur.
Instantanné sur les murs de l'aéroport de Houston. J'ai aimé, tout simplement.

Detroit, portraits humains...

A chaque lieu où je wwoofe,  je rencontre des gens passionnants. En fait, le monde est rempli de gens passionnants ! Cela peut sembler évident à dire, mais on l’oublie souvent… Au coin de chaque rue, il y a des rencontres merveilleuses  à faire. Alors, voici quelques portraits de mes rencontres à Detroit…

Brittney et Kieran, mes hôtes, sont du Minnesota et de l’Ohio. Ils ont fait des études, lui de littérature, elle de sciences politiques, mais ils ont vite compris que ce qu’ils aimaient, c’était l’agriculture. Après avoir wwoofé et travaillé dans des fermes partout aux USA durant quatre ans, ils sont venus à Detroit car c’était le seul endroit où ils pouvaient se permettre d’acheter une ferme, la terre étant trop chère ailleurs. Mais leur rêve est, d’ici quelques années, de pouvoir trouver une ferme dans la vraie campagne, plus au nord du Michigan.

Juste à côté de Beaverland Farms, se trouvent Nick et Brooke, de Pennsylvanie. Au cours d’un périple à vélo à travers les USA, ils ont voulu découvrir Detroit, dont on leur avait dit que c’était « l’apocalypse ». Ils ont wwoofé chez Kieran et Brittney au printemps, Detroit leur a plu et ils ont décidé de rester. Après avoir vécu dans une caravane, ils ont acheté une maison pour trois fois rien et la retapent entièrement ; ils vivent en faisant de la poterie, en vendant des vêtements de récup’ et ils ont aussi créé un jardin. Je n’oublie pas ma première rencontre avec Nick : un « hey » en faisant le signe « peace and love », avant de me parler de Kristiania, la « ville libre » hippie de Copenhague… Sourire…
Brooke présente à Dalton un des chiots qu'elle et Nick ont reçu d'Ethan. Elle a une serviette car l'eau ne fonctionne pas toujours dans leur maison, ils utilisent donc la salle de bain de Brittney et Kieran. 

Leur voisin, Jeffrey, doit aussi faire une maison, mais pour le moment il a surtout mis quelques plantes et du récup’art en forme de cœur et  de signe « peace and love  (lui aussi..).  Un peu plus loin, Ethan vit dans une maison de bric et de broc, avec son amie Regal et une tripotée de chiens. Bon, de 18, il est passé à 8, les autres ont été donnés… entre autres à Nick et Brooke qui en ont maintenant deux.
Ethan et Regal devant leur maison, en bois de récup'.

Leur cuisine, sorte de comptoir de banque ou je ne sais trop quoi....

Voisins de Briet et Marck,  Lisa, fleuriste, et son mari Roberto, de Chicago, sont venus à Detroit car ils voulaient vivre cette expérience de renaissance de la ville ; mais les sœurs de Lisa refusent de venir les voir à Detroit avec leurs enfants, elles ont trop peur…. leur jardin est une débauche de cosmos, et Lisa espère être fleuriste à mi-temps d’ici un an ici.
Dans Bayfield Street, il y a dix ans, régnaient le crack, les armes et la prostitution. Aujourd'hui, la rue est appelée Farmway et Lisa y cultive les fleurs.
Jennyfer a voulu elle aussi vivre cette expérience d’une meilleure alimentation, d’une ville plus verte, plus environnementale ; elle a trouvé une ancienne ferme et a démarré l’agriculture il y a un peu plus d’un an. Elle habite un peu plus au nord de Brightmoor, et comme son t-shirt l’indique, là-bas aussi des habitants s'impliquent pour donner une nouvelle vie au quartier. 

Rosalynd, ancienne assistante sociale du côté Est de Detroit, est venue à Brightmoor elle aussi pour participer à cette aventure. Elle vient d’ouvrir une tea house dans une maison abandonnée.

Sur Grand River Avenue, l’artiste Olayami Dabls a investi des friches pour en faire un délirant musée en plein air, à base de récupération de miroirs. Detroit attire des artistes de partout, car ses friches et lieux abandonnés offrent des lieux exceptionnels pour s’exprimer. Et même si Dabls se doute que la ville n’aime que très moyennement cela, il sait aussi qu’elle s’est rendu compte que les artistes comme lui attirent des visiteurs. Elle laisse donc faire.
Olayami Dabls a recouvert de miroirs tout un pâté de maisons.

Ce jour-là, trois artistes new-yorkais et un de Detroit étaient là: Brian oscar Wriklès, Jesse Zhang, Rafia Santana et William J. 


Malik Yakini, lui, est un militant de la cause noire américaine. Voyant que les fermes et les actions pour une meilleure alimentation étaient majoritairement faites par des blancs alors que Detroit est à 84% noire, il a créé une ferme pour enseigner l’agriculture à la communauté afro-américaine de Detroit.  Les volontaires qui y travaillent sont aussi bien blancs que noirs. Comme l’explique Malik, « je ne suis pas anti-blanc, je suis pro-noir. Je veux que les Afro-Américains se réapproprient leur histoire. »  Un discours qui m’a beaucoup rappelé celui de Debajehmujig à Manitoulin Island pour les Amérindiens, le militantisme en plus. Je n’ai hélas pas de photos de lui, le jardin était écrasé de chaleur quand j’y étais et la lumière trop contrastée, mais on peut aller sur le site de DBCFSN (Detroit black community food secrurity network). 

Fermière à Detroit, c'est quoi?

Avec tout ça, qu’ai-je donc fait durant mes dix jours à Beaverland Farms ? J’ai beaucoup désherbé, mulché et épandu des copeaux de bois. En effet, Brittney et Kieran n’ont acheté la ferme que cet hiver alors qu’elle était abandonnée depuis un an (son précédent propriétaire  avait  arrêté suite à une séparation ; depuis il a totalement changé d’orientation et a décidé de devenir rabbin), du coup elle est en plein démarrage. Ils ont complètement repensé les lieux, fait des travées en monticules qui  dessinent une immense feuille, ils font de la permaculture, ont débuté un jardin médicinal, un jardin pour les papillons, ils ont planté des arbres fruitiers et vont poursuivre avec des arbres à noix, ils ont une vingtaine de poules et trois canards, ils espèrent avoir deux moutons, etc, etc…
Brittney, Kieran, avec Dalton et Michmich, (car nous sommes dans le Michigan) un des trois chats (avec Mister Ocra, c'est-à-dire Monsieur Gombo, et Mirna).
En tout, ils ont deux acres, sur vingt anciens lots d’habitation.  Ils sont propriétaires de quatre d’entre eux, les autres appartiennent à la « land bank » qui a repris les habitations après l’expulsion des gens, hormis deux lots qui appartiennent encore à des gens, mais on ne sait pas trop comment ni qui… Mais à Detroit, c’est partout comme ça.

Du coup, comme ils en sont au début, ils continuent à travailler pour pouvoir vivre, et les mauvaises herbes en profitent pour envahir les plates-bandes. Le désherbage était donc une grande part de mon travail. Le mulch vient des résidus de tonte, de débroussaillage, et est apporté par des habitants ou des employés municipaux ou autres. Les copeaux sont fournis par une scierie, qui ainsi s’en débarrasse gratuitement. Comme le dit Kieran, « its win-win » - c’est gagnant-gagnant- .

De toute façon, à Detroit, c’est désormais partout le règne de la débrouillardise. On achète une maison pour 500 dollars (voire pour 5 dollars si on accepte de payer du coup les retards d’imports locaux du précédent propriétaire), mais tout est à refaire dedans.  Et on utilise ce qui est à disposition : les gravats et les blocs de ciment laissés après lé démolition d’une maison peuvent servir, on va chercher dans les maisons encore debout, ou dans les écoles abandonnées suite à l’hémorragie de la population et à l’absence d’argent…
Argile, paille et sable (parfois odorant car très apprécié des chats...) à travailler pour faire le four à pizza.

Installation des blocs trouvé sur un chantier de démolition pour faire la bordure du jardin avant.


Ainsi, parmi ce que j’ai pu faire, l’argile utilisé pour construire un four à pizza a été trouvée sur les lieux d’une démolition, les pierres pour le jardin de devant viennent d’une autre démolition, et les étagères de la maison ont été fabriquées avec du bois récupéré dans l’ancienne école du quartier, fermée en 2003. Et oui, on pourrait dire que j’ai fait du vandalisme, sauf qu’ici tout le monde le fait, et qu’il vaut de toute façon mieux utiliser ces matériaux abandonnés que de les laisser pourrir…
Ecole: 1924 - 2003...

Tout est resté en place, alors autant se servir...


Brightmoor, la campagne en ville

Donc, Detroit, ville en déliquescence, mais aussi ville dont certains habitants ont décidé de se retrousser les manches et d’utiliser tout ces espaces vacants pour y faire de l’agriculture. Et par la même occasion essayer de réfléchir à une nouvelle manière d’envisager la ville du futur.

Et c’est ainsi que j’ai passé dix jours chez Brittney et Kieran, à Beaverland Farms, en plein cœur de Brightmoor, « le » quartier agricole de Detroit. Brightmoor, me disait Rosalynd, une habitante qui vient d’ouvrir une « tea house », « dans les années 80 et 90 c’était comme Beyrouth», un des pires quartiers de Detroit : crack, trafic de drogue, armes à feu, prostitution, et tout le reste…

Difficile à imaginer aujourd’hui :  En arrivant à Beaverland Street,  même si je savais que j’arrivais dans un quartier de fermes, cela a été un choc : on était presque à la campagne ! Une rue ombragée d’immenses arbres, du vert, du vert et encore du vert, des grillons… Alors qu’au coin de la rue, c’est le Detroit encore en déchéance, magasins fermés, hormis les « liquor stores » et les stations-service.
Beaverland Farms occupe ce qui était auparavant vingt lots d'habitations.

Neighbours building Brightmoor, l'association du quartier, mène une foule d'actions, comme ici la présentation d'oeuvres d'art dans les différentes fermes.

Des ruches, des fleurs, à deux pas d'une rue en déliquescence.
En fait, étant un des pires quartiers, c’est un de ceux qui a eu la plus grande hémorragie d’habitants, et donc le plus grand nombre de maisons démolies. Et donc la plus importante possibilité d’espace pour y faire de l’agriculture.


Brightmoor aujourd'hui: des maisons au milieu d'immenses espaces rendus à la nature. Est-on en ville ou à la campagne?

La renaissance de Brightmoor a été initiée par un couple, Briet et Marck, qui ont démarré une ferme en 2006. Mais pas que. Le couple était très actif dans le travail avec les jeunes, Briet a donc créé un « youth community garden » pour les lycéens, puis petit à petit d’autres se sont lancés, et cela s’est su ; des gens sont venus habiter à Brightmoor – aujourd’hui c’est le seul quartier de Detroit dont la population augmente – pour y faire de l’agriculture.
Briet et Marck, avec "knucklehead farm", ont démarré la dynamique verte à Brightmoor.

Briet a créé un Youth community garden pour et avec les jeunes du quartier.

Aux alentours de « Farmway » comme est maintenant appelé ce coin de Brightmoor, on trouve désormais un jardin collectif comestible, des « mini-jardins » pour les enfants, etc. Des gens d’autres quartiers de Detroit, d’autre villes, d’autres pays, viennent chercher des idées. Tous se sont regroupés dans l’association « Neighbours building Brightmoor », qui agit sur tous les plans : nettoyage des lieux abandonnés, éducation à une meilleure alimentation, jardinage, etc…


Bon, ce n’est pas idyllique : les fermes et jardins sont surtout le fait de blancs, dont certains sont des gens d’autres lieux des USA venus vivre cette dynamique ; mais les habitants afro-américains ne le vivent parfois pas toujours très bien. « Neighbours building Brightmoor » essaye d’ailleurs de travailler sur « comment intégrer les habitants « historiques » du quartier » mais le travail est long et difficile.
Mimi jardin, mais hélas vide d'enfants. Les parents sont encore marqués par le danger de laisser leurs enfants jouer dehors.
Ainsi, les jardins collectifs sont quasiment vides, car « beaucoup de ces habitants de longue date de Brightmoor ont encore en tête le fait que laisser leurs enfants jouer dehors est dangereux », m’expliquait Rosalynd dans sa tea house. Et pour encourager la population pauvre à venir acheter des légumes frais dans les  mini-marchés de quartier, un système  été mis en place, le « double your food bucks » : la valeur de leurs bons d’achats est doublée lorsqu’ils achètent dans ces marchés.

jeudi 20 août 2015

Detroit, histoire d'une décadence

Du wwoofing à Detroit ?  En pleine ville ? Et oui ! « Motor City » la ville où étaient jadis fabriquées pratiquement toutes les voitures circulant sur les routes américaines est aujourd’hui une ville où l’on trouve de nombreuses fermes.

Explication : jusque dans les années 50 – 60, Detroit était la cinquième plus grande ville des USA, une des plus riches également. Mais elle avait fait une grosse erreur : mettre tous ses œufs dans le même panier, et ne vivre que de l’industrie automobile.

Cette industrie avait besoin d’ouvriers, et nombre d’Afro-Américains sont venus à Detroit. Du fait des tensions raciales, à partir des années 60, les blancs – en général plus aisés -  ont commencé à quitter la ville. La crise du pétrole est arrivée là-dessus, ainsi que la montée de l’automatisation, d’où les pertes d’emploi, et la ville a commencé à  se paupériser et à entamer sa longue décadence.



Et encore, ces images ne reflètent qu'une partie de la réalité. J''étais là pour wwoofer, pas pour faire un reportage photo. Sur le net, vous pouvez trouver des photos impressionnantes, en particulier de la gare,  magnifique bâtiment en ruine.
Crime, violence, drogue, Detroit est devenue une des villes les plus dangereuses des USA ; les gens ne pouvant plus payer leur logement (ah, que de choses on pourrait écrire sur les établissements de crédit qui promettent monts et merveilles de la consommation  et plongent les gens dans le surendettement…), ils ont été expulsés. Et à Detroit, c’était en masse !  L’hémorragie démographique était telle qu’en quelques décennies, la ville est passée de 1,8 millions d’habitants à 700 000 aujourd’hui…

Banqueroute

Qui dit moins d'habitant dit moins de taxes locales qui rentrent pour la ville, alors que la taille des réseaux à entretenir et alimenter (eau, électricité, transports, etc) restait la même. Et la population restant étant pauvre, les problèmes étaient multipliés. La crise de 2008 n'a été que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase; les transports publics sont quasi-inexistants désormais, l'éclairage public fonctionne à moitié, il n'y a plus de trains, la gare est en ruines... Le seul moyen pour la Ville de s'en sortir, était de se déclarer officiellement en banqueroute, en 2013, afin d'éliminer ses créances. Detroit est la plus grande ville américaine à s'être mise en banqueroute; elle est désormais gérée par un mandataire financier.


Partout, on trouve ces maisons abandonnées, parfois seules, parfois une ligne entière, parfois voisines de maisons en parfait état.
Quant aux maisons abandonnées par milliers, elles ont été détruites, du coup la nature a repris ses droits, l’herbe a poussé. Au cours des années 2000, des habitants ont décidé d’utiliser ces espaces vides pour y faire de l’agriculture, et c’est ainsi que Detroit est devenue un haut-lieu de l’agriculture urbaine, avec toute une réflexion sur la ville de demain… et que j’ai donc décidé de venir wwoofer ici.

Grand écart permanent


Detroit, c’est aujourd’hui ce constant grand écart : des rues en déliquescence, des magasins aux vitrines fermées de bardeaux couverts de graffitis, des maisons abandonnées, où soit les plantes  poussent partout, soit elles ont brulé et ne restent plus que des moignons noircis. Souvent, une maison abandonnée cotoie une maison habitée et toute proprette. Puis  on arrive à un adorable quartier avec ses maisons de brique style campagne anglaise, des pelouses en parfait état, des parcs… C’est assez surréaliste…

En résumant, Detroit aujourd’hui, c’est 1) un downtown en parfait état (il a relativement peu souffert, et par ailleurs la Ville l’a pas mal vendu aux investisseurs, qui le retapent, mais bien  sûr on se doute qu’ils ne font pas cela par charité ; les loyers montent en flèche, les anciens habitants sont donc obligés de partir pour laisser la place à des gens plus « acceptables »…) ; cet ilôt de richesse et de business  est entouré par 2) la ville en ruine, peuplée majoritairement par des Afro-Américains, puis plus on s’éloigne et plus on retrouve 3) de jolies quartiers propres, ou bien les fermes, créées majoritairement par des blancs.

Bref, on se doute que rien n’est simple…




jeudi 13 août 2015

Marley, sa mi ni-Cooper et moi (bis)

Après Bruce Peninsula, voici la suite de mes aventures en duo avec Marley, direction donc Niagara Falls.
Le destin était vraiment avec nous : cinq minutes après notre arrivée à Niagara Falls, un feu d’artifice était lancé (c’est ça, la gloire… ;-)) et après, nous en avons pris de nouveau plein les yeux – et les oreilles – avec les chutes. Il existe en fait deux villes Niagara Falls, l’une américaine, l’autre canadienne. Et le côté canadien est beaucoup plus beau, puisqu’il permet de voir l’ensemble des chutes, dont la plus célèbre, la Horseshoe fall (chute en fer à cheval), un demi-cercle quasi parfait.
En revanche, perso je ne suis pas fan du coloriage nocturne des chutes ; en particulier côté américain où on a l’impression de voir des fontaines de sirop géantes…  Framboise, malibu, citron, une petite soif ? Et hop, 2,2 millions de litres de sirop malibu à la seconde!

Plein les yeux, plein les oreilles, c'est aussi la ville elle-même la nuit... Je n'ai jamais vu une telle concentration de maisons hantées et trains fantômes au centimètre carré!
Les chutes américaines la nuit, cela fait fontaine à sirop géante.



Plein les yeux,plein les oreilles, du coup nous nous sommes mises en recherche d'un hôtel à 23h. Une chambre libre à Niagara en plein été à 23 h? Nous avons donc atterri dans un motel digne des meilleurs road trip américains, un peu miteux, un peu (beaucoup) kitsch, avec un veilleur de nuit chinois - digne, lui, des images de tenancier de fumeries d'opium du Shanghai des années 20 - inébranlable sur le marchandage de Marley. Extrait de l'échange: Marley: "A minuit, vous n'allez pas trouver un nouveau client, faites-nous une ristourne." Tenancier de fumerie d'opium: "A minuit, c'est vous qui avez besoin d'une chambre, pas moi."





Les chutes...

Les chutes...



Les lits étaient confortables, c'est l'essentiel, et nous pu en prendre de nouveau plein les yeux et les oreilles le lendemain avec les chutes: croisière jusqu'aux pieds des chutes, voyage derrière les chutes, balade en bus à deux étages. Si un choix est à faire, prenez le voyage derrière les chutes! Dans le tunnel qui mène au pied même des chutes, le sol gronde et vivre sous les pieds en raison de la puissance des chutes, et deux ouvertures permettent d'être effectivement "derrière" les chutes tandis qu'une troisième permet d'être directement à leur pieds L'eau qui tombe avec un bruit d'enfer, et surtout le gigantesque bouillonnement au pied des chutes qui se précipite vers vous comme une nuée qui chercherait à vous engloutir, le spectacle est fascinant. 
Les chutes...



Encore un petit peu des chutes...


Pour éviter de nous transformer en serpillières dégoulinantes, nous recevons tous en cadeau un K-way rose, jaune, bleu, blanc suivant les heures et les lieux. C'est ainsi que les rues de Niagara Falls sont arpentées par des hordes de petits chaperons roses, jaune, bleu ou blanc, allant d'un lieu de visite à l'autre. 

J'ai été impressionnée par le nombre de Chinois et d'Indiens parmi les visiteurs, et peu de Japonais en revanche, ainsi que par le nombre de juifs orthodoxes. Les hauts lieu du tourisme sont un miroir des réalités économiques et politiques du monde.





Tiens? Des chutes...


Parmi les anecdotes et histoires que l'on apprend; le robinet des chutes a été fermé une seule fois (en 1969) par l'armée américaine pour combler les fissures qui auraient provoqué un retrait des chutes; jusqu'à ce jour, une seule personne tombée involontairement dans les chutes a survécu, un garçon de 7 ans dans les années 60; parmi les dingues qui ont tenté de les descendre, on peut compter un veuve qui vers 1905, l'a fait dans un tonneau et a survécu; enfin, les chutes sont sur-pompées pour les besoins en électricité. Mais pour que cela ne soit pas préjudiciable au tourisme, elles ne sont pompées que la nuit, avec un débit réduit de 75%...
Et une petite dernière pour la route.


Niagara Falls la nuit: un autre style...



Bref, de nouveau une tonne de choses apprises, pour Marley et moi. Mais voilà, les meilleurs moments ont une fin, et dans l'après-midi, Marley a repris la route vers Philadelphie avec sa mini Cooper, et moi j'ai pris la mienne vers Detroit avec mon bus Greyhound. Une autre aventure...