Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

samedi 28 novembre 2015

Au bout du bout du monde...


Sur une carte du monde, la Polynésie française, pour nous métropolitains, apparait comme un tout petit coin lointain de notre pays. Petit, pas tellement que cela... Une carte géographique m'a fascinée ici, celle où la Polynésie française est superposée sur la carte de l'Europe: si Papeete est Paris, A'hé est à Amsterdam! Et les Marquises, dont Gauguin et Brel furent amoureux, est en Suède; quant aux Gambiers, ils sont à la hauteur de la Bulgarie... Comme me disait en riant Manu, le propriétaire suisse d'une pension à Manihi, l'atoll voisin d'A'hé, "Tout autour de toi, tu as 8000 kilomètres d'eau..." Au bout du monde, oui, nous y sommes...

Le ciel et l'eau, et juste un bout de terre entre les deux, tels sont les Tuamotu.

Il y a même le requin qui pointe son aileron... Mais aucune inquiétude, les pointes noires sont de petits requins de récif, on nage à leurs côtés sans problème.

Et vivre au bout du monde, ce n'est pas vivre une vie "normale". Etre aux Tuamotu signifie être sur un motu, un minuscule bout de terre de parfois quelques centaines de mètres carrés; au-dessus, le ciel; en-dessous, l'eau. Rien d'autre. Pour aller ailleurs, il n'y a que l'avion; ou, si l'on n'est pas pressé, le bateau pour plusieurs jours. Et encore, les bateaux sont des cargos de fret, et les places pour les passagers sont rares... Le Dory ne fait que le fret, le Mareva Nui et le Stella Maris ne viennent que tous les quinze jours. Papeete? Il faut avoir les moyens de prendre l'avion, trois vols par semaine...

Internet, quand tu nous tiens...


Sur A'hé, le village Tenukupura a quelques épiceries dont les rayons peuvent être très vides selon les arrivages de produits, une poste, un dispensaire avec une infirmière (pas de médecin), une mairie... A Kamoka, j'ai eu besoin d'eau oxygénée; les derniers wwoofers avaient vidé le flacon, le prochain viendrait de Papeete un jour, un jour peut-être. Sur les atolls, il ne faut pas compter sur un médecin. Quant au collège, il est sur l'atoll de Rangiroa. C'est un autre monde, on est en France, mais on n'est pas en France.



Coupée du monde durant mon séjour à Kamoka, je l'ai été encore plus du fait qu'Ahé est le dernier atoll non desservi par internet (officiellement il l'est, mais...). Et la situation n'est pas vue de la même façon quand on va quelques jours sur un atoll pour se reposer, oublier tout, et quand on y va pour travailler, même si c'est simplement pour une dizaine de jours. Ce sentiment m'a surtout marquée lorsque, après les attentats du 13 novembre, j'ai ressenti un très fort besoin d'être en lien avec "mon pays", avec cette impression très étrange de l'abandonner dans l'épreuve en étant si loin de ses difficultés...

Minuscule grain de poussière face à l'océan


J'ai souvent eu à l'esprit le film "Seul au monde" avec Tom Hanks. C'est beau, magnifique, mais c'est une prison dorée. Même pour les habitants des îles de la Société (Tahiti et ses voisines), les archipels (Tuamotu, Marquises, Gambiers, Australes) sont un autre monde, "il faut y être né pour pouvoir y vivre", disent-ils souvent. Durant mon séjour, je lisais "Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson; je me dis qu'il était peut-être moins coupé du monde dans sa cabane au bord du Baïkal que les gens de Kamoka: il vivait dans un monde "terrien" pour lequel notre corps est adapté, on y respire, on y marche, avec de la volonté on peut quitter sa cabane et partir. Ici, aux Tuamotu, le monde qui nous entoure est celui de l'eau, sans bateau on n'y est rien, tout fort ou solide que l'on soit. On est minuscule, un grain de poussière face à l'immensité océane.
Entre ciel et eau, toujours...



Paradoxalement, cela vous envoûte très facilement ; au début, on se dit « mais comment vais-je faire ? » Et puis, au fil des jours on laisse tomber les épluchures du monde "normal", on laisse le temps aller, on regarde le ciel, on écoute le vent... On s’y habitue d’autant plus que les habitants sont encore plus adorables qu'à Tahiti, du fait de leur éloignement. A Manihi, alors que j’attendais le bateau de Manu qui venait me chercher pour passer trois jours dans sa pension, une dame s’est désolée : « Oh, c’est dommage que tu l’ais déjà appelé ! Tu serais venue chez moi et tu aurais connu la vraie vie des Tuamotu ! » Oh oui, alors, j'aurais aimé! Et avec ses amies, elles se sont payé une belle tranche de rigolade en m’offrant d’essayer une pirogue à balancier, celle de l’employé de l’aéroport, qui l’utilise comme moyen de transport. 

Ceux qui ont déjà approché un durian comprendront pourquoi Air Tahiti  interdit son transport, même en soute!



Et les Tuamotu, ce sont aussi des moments fabuleux, j'ai vécu quatre plongées d'anthologie.C'est un véritable aquarium! On met la tête sous l'eau d'un clarté limpide, et on en voit partout, aussi bien les minuscules poissons de toutes les couleurs que les bans de barracudas, les thons, les requins gris, et les raies... Mon dieu, les raies... Une raie léopard passe à quelques mètres, élégante, je vois son oeil qui me regarde; une raie manta ondule lentement, elle passe et repasse; avec sa peau noire on dirait une immense chauve-souris. Ou une veuve de jadis avec sa mantille voltigeant autour des oreilles.

Les fonds sous-marins des Tuamotu, c'est cela: une profusion incroyable de poissons, des requins, des raies.... Une splendeur. Photos piochées sur le net.


Et ces bans de poissons par centaines: les perches pagaies qui rasent le sol, montant et descendant au gré de ses déclivités, semblables à un troupeau de moutons sur ses collines, je pourrais rester des heures à les regarder; un ban de poissons gris croise un ban de poissons noirs, chacun respecte son côté d'une ligne invisible, on se croirait sur les grands boulevards...


J'ai un regret, n'avoir pas pu, en raison de la houle trop forte, nager côté océan. A trente mètres du bord, on se retrouve soudain avec 2600 mètres de fond sous les palmes car les atolls sont le minuscule sommet de volcans souterrains autour desquels les coraux ont tressé leur barrière. Constat de Manu: "Les gens restent au bord du tombant, mais il leur est impossible d'aller au-delà, la peur devant ce vide est trop forte."  J'aurais aimé éprouver cette terreur qui vient du fond des tripes face à l'abime; sentiment que j'ai vécu une nuit de pleine lune en plein Sahara: au-dela du sommet de la dune, les ténèbres totales, l'esprit qui se met soudain à tourner à 100 à l'heure et l'incapacité de mettre un pied dans ce noir profond, comme s'il allait soudain m'engloutir et me faire diparaître à jamais... C'est dans ces moments que l'on prend conscience que, simple humain, on est tout petit face à la nature et ses mystères. Promis, si je reviens un jour, je le ferai.


mercredi 25 novembre 2015

Quelques élément de la perliculure

Je ne compte pas faire un cours sur la perliculture, mais partager au moins ce que j'ai appris à A'hé.

A sa grande époque, Kamoka avait une trentaine de personnes, quand A'hé et Manihi, sa voisine, étaient les deux atolls rois de la perliculture. Mais la culture perlière a énormément souffert dans les années 2000; beaucoup de fermes ont mis la clef sous la porte, les autres survivent, hormis les grandes qui ont les reins solides. La raison? La surproduction principalement, qui a conduit à une chute des prix. Les fermes avaient poussé comme des champignons, A'hé en comptait jusqu'à 50,  - "Le lagon était couvert de bouées indiquant les élevages de nacres", me raconte un habitant - aujourd'hui il en reste une dizaine. Et puis, me disent souvent les gens, "Il y les Chinois qui ont cassé les prix avec leur production..."
Patrick ouvre des perles pour Marlène, une Américaine qui vend des perles. Chance, chaque nacre a une perle. 



Ainsi, Kamoka tourne aujourd'hui avec quatre personnes, plus les wwoofers. Il n'empêche que la perle reste apparemment la deuxième économie de la Polynésie française après le tourisme... qui souffre lui aussi.

La culture perlière souffre aussi du fait que la nacre est fragile, victime de la hausse de la température de l'eau, de la prédation des raies léopard et des balistes, qui prolifèrent... Récemment, les nacres ont été atteintes par une maladie qui les rendait poreuses.

A'hé reste le premier atoll de culture en raison de sa configuration: une seule passe, et donc le courant qui rassemble les oeufs plus facilement vers les stations de collectage, des sortes de cordes accrochées dans l'eau où les oeufs s'agglutinent. Les éleveurs ne gardent que les plus grandes - c'est le détrocage - puis il faut deux ou trois ans avant que la nacre ne puisse être greffée.

La greffe est très délicate, il faut inciser la poche perlière, et introduire le nucleus, "l'intrus" que la nacre recouvrira. Le nucleus est fait à partir d'un mollusque du Mississipi; et on ajoute un greffon, un morceau de viande de nacre. Suivant la couleur de l'endroit où est pris le greffon, la perle aura telle ou telle couleur; et ensuite, la nacre greffée refera toujours des perles de la couleur créée par ce greffon.
Travail sur les mabé pour Mickael.

Le matériel indispensable pour la greffe: nucleus, pinces, miroir de dentiste...

Deux mabés ont été placés sur cette nacre.


Il faut dix-huit mois à la nacre pour faire une perle; on pourra la regreffer encore une ou deux fois, ensuite on lui mettra des mabés, des résines de telle ou telle forme (rond, coeur, poire...) collés sur la nacre pour qu'elle recouvre la partie exposée. On peut en mettre deux ou trois à chaque fois; ensuite, la nacre ayant fait son temps, on pourra manger son muscle, le kururi. Quant  à la nacre, elle est sculptée.

Sur les nacres greffées, peut-être une moitié produisent une perle, les autres sont mangées par les prédateurs, sont atteintes par des maladies, la hausse de la température de l'eau. Et sur les perles, quelque 10% sont de catégorie A ou B, rondes et lisses; beaucoup sont des "baroques", aux formes étranges, poire, soucoupe volante, balle, etc... Quand le nucleus est rejeté par la nacre, elle transforme le greffon en "kechi", sorte de pépite de nacre.
Quand le nucleus est rejet, le greffon devient un kechi, une pépite de nacre.

Perle, kechi, nacre sculptée, mabé, perles, lisses ou sculptées, tous les usages du coquillage.


A Kamoka, environ 21 000 greffons sont installés chaque année, mais sur tous ceux-ci peu arrivent à devenir des perles de classe A ou B. La vie de perlicuteur n'est pas facile...

La vie à Kamoka

Oui, Kamoka a sans doute pour le moment  été l'expérience de wwoofing la plus étrange que j'ai vécue, hors du monde, hors du temps, entre ciel et eau... Si nous avons chacun notre bungalow, nos vivons cependant en permanence ensemble dans ce monde salé; nous sommes coupés de tout, A'hé étant le dernier atoll sans internet. Officiellement, internet est installé, en réalité, cela ne fonctionne as. Nos seuls liens avec le monde sont le téléphone, quu marche, heureusement, et le jeudi, jour où le cargo Dory arrive de Papeete dans sa tournée des iles; nous allons donc au village ce jour-là, à une demi-heure de bateau.
Les seuls jours où l'atoll est relié au monde, sont ceux où les cargos de fret arrivent, comme le Doryle jeudi. Le Mareva Nui et le Stella Maris, eux, passent tous les quinze jours.  



Nous nous nourrissons de poisson, frais bien sûr, pêché par Mahiré, Timmy, Mickael, de riz, quelques légumes et fruits, et Patrick fait du pain. L'eau potable est l'eau de pluie, abondante en ce moment car nous sommes en saison des pluies; la vaisselle se fait à l'eau de mer, les toilettes ont directement vue sur l'eau et y vont directement aussi; la douche est une casserole que l'on remplit d'eau à la cuve d'eau de pluie.

Les toilettes, avec vue grand écran sur le lagon.

Sous mon bungalow, là où je prend ma douche.
Notre lieu de vie quotidien.

Le soir, nous refaisons le monde devant le ciel et une bière, Mahiré parle de ce monde inconnu qu'est la vie aux Tuamotu, avec un accent polynésien à couper au couteau, je regarde les étoiles et découvre que la voie lactée est beaucoup moins visible ici que dans l'émisphère nord, les quatre chiens - Siki (noir), Kuri (chien), Tuki et Bruno (!) - roupillent tranquillement, tandis que les chats Puma, Galipette, Roy et le blanc dont j'ai oublié le nom rôdent dans les parages. Ah, Tuki... C'est la nounou des wwoofers; dès qu'un nouveau arrive, il le prend en charge, l'accompagne, dort avec lui dans le bungalow.
Le soir, nous refaisons le monde devant le ciel.

Et nous refaisons encore le monde jusque tard dans la nuit.

Crépuscule en direct depuis la ferme.

Avec Tuki, l'ange gardien des wwoofers.
Bruno a pissé dans la ferme, du coup Patrick lui a mis une jolie petite culotte.

Rien de tel pour amener Puma à faire le suricate que de lui présenter un morceau de poisssn cru. Les chiens, eux, espèrent qu'elle ne l'attrapera pas...


Patrick, lui, est un sacré personnage. Il a quitté Bordeaux en 67, sur un bateau, a bourlingué un peu partout, créé Kamoka au début des années 90, fait deux enfants avec sa femme américaine, vécu en Nouvelle-Zélande sur son catamaran qu'il a équipé avec des techniques de pointe, entre autres un mat tournant qui fait office de voile.  Aujourd'hui, il s'est pris de passion pour l'idée de "moteur magnétique" et passe le plus clair de son temps dans son atelier à travailler sur ce moteur pour en équiper son catamaran. Avec Petra et Dalilah, nous avons visité le catamaran nous nous disons que ce serait un fantastique endroit pour créer un Bed and Breakfast...

Et moi, les après-midi, une fois le travail terminé, je rêve devant l'océan sur la terrasse de mon bungalow... Le dernier soir, la nature m'a fait un cadeau magnifique, avec un coucher de soleil somptueux...


Pêcheuse de perles

Pêcheuse de perles dans le Pacifique, voici quel a été mon nouveau rôle de wwoofeuse tour-du-mondesque. Une expérience que j'ai vécue grâce à un tchateur sur un forum de voyages, où il parlait de ses tribulations en bateau dans le Pacifique, et son étape à Kamoka Pearl Farm, dans l'atoll d'A'hé, sur l'archipel des Tuamotu. La magnifique perle noire, dont les teintes varient du gris cendré au bleu en passant le vert kaki, l'aubergine, voire le doré. Et peut-être même le blanc, parfois.

Kamoka, le lieu sans doute le plus étonnant que j'ai vu depuis le début de mon voyage: un motu battu par les vents, une ferme sur pilotis où l'on accède par un ponton étroit qui bouge sous les assauts du vent, un catamaran arrimé au ponton, des bungalows perdus dans les arbustes et les cocotiers, le mien donnant sur l'océan et son immensité grondante...
Maeva (bienvenue) à Kamoka, au bout du bout du monde.

Mon bungalow...

... et sa plage. Pour le sable blanc, il me faudra patienter quelques millions d'années, le temps que l'océan ait effrité le corail... Mais cela ne gêne pas la chienne Kuri.


Avec Patrick le fondateur de Kamoka, il y avait Timmy, greffeur, qui travaille ici depuis vingt ans, adorable de patience, Mickael, un grand gars ici depuis deux ans, et Mahiré, un sacré personnage avec sa crinière bouclée dorée qui surprend chez un Polynésien. Mahiré, c'était notre conteur, l'âme des Tuamotu... S'ajoutaient Dalilah, une Américaine échouée ici depuis quelques mois, ainsi que Petra, une wwoofeuse suisse, et moi.
Patrick recueille les perles des nacres.



Mahiré a attrapé un poisson perroquet; nous le dégusterons à la tahitienne, cru au lait de coco. 

Mickael réinstalle les nacres, Tuki, lui, est curieux comme une pie.
Une fois les perles greffées, Timmy les réaccroche afin de les remettre à l'eau.


A sa grande époque, Kamoka avait une trentaine de personnes, quand A'hé et Manihi, sa voisine, étaient les deux atolls rois de la perliculture. Mais la culture perlière a énormément souffert dans les années 2000; beaucoup de fermes ont mis la clef sous la porte, les autres survivent, hormis les grandes qui ont les reins solides. La raison? La surproduction principalement, qui a conduit à une chute des prix. Les fermes avaient poussé comme des champignons, A'hé en comptait jusqu'à 50,  - "Le lagon était couvert de bouées indiquant les élevages de nacres", me raconte un habitant - aujourd'hui il en reste une dizaine.

Notre travail a consisté principalement à accompagner Timmy sur les lieux d'élevage des nacres, pour les charger sur le bateau et les déménager, puis à les nettoyer. En effet, les nacres sont dans dans de grandes nasses de près de deux mètres, à 7 ou 8 mètres de profondeur, là où l'oxygène leur permet de grandir tranquillement. Le spectacle est étonnant, des grappes de nasses accrochées à perte de vue dans le bleu cobalt du lagon. Tout autour, des petits poissons grapillent les algues et coraux accrochés.

Timmy plonge, décroche deux nasses, et les petits poissons s'affolent: "Eh, on nous vole notre garde-manger!" Débandade générale, un chapelet se dépêche de rejoindre une autre nasse, d'autres suivent celles qui montent, et les indécis restent au milieu, regardant à droite et à gauche, puis nageant de toute la vitesse de leurs mini-nageoires pour rejoindre un des groupes, "oh hé, attendez-moi!" Spectacle comique sur fond bleu...
Une bonne partie du travail consiste à récupérer les nasses accrochées à 7 ou 8 mètres de profondeur. Timmy longe les décrocher, nous les mettons sur le bateau.

Nettoyage des nacres, ici par Dalilah.
Timmy, Dalilah, Petra et Mickael,l'équipe au travail.


Sur le bateau, il faut ranger les nasses de façon à ce qu'elles ne s'accrochent pas, les gants sont indispensables car les coraux sont coupants, et au bout de quelques jours je vais voir apparaître sur ma jambe droite des abcès; j'avais d'abord pensé aux nonos, ces petites mouches qui emportent un bout de peau en mordant, mais le vent est trop fort pour elles. Et les deux jambes seraient attaquées; en fait il s'agit des irritations provoquées par les coraux, les algues ou les anémones - les avis de mes interlocuteurs divergent - en tout cas j'ai l'impression d'avoir une gigantesque crise d'acné sur la jambe, beurk! Je les soigne à coup d'huile de tamanu, une plante cicatrisante.


Les nasses sont ensuite réaccrochées à 2 ou 3 mètres de profondeur, pour que de plus gros poissons nettoient les grillages, puis nous décrochons les nacres et les nettoyons. Ainsi, le travail sera plus facile pour le greffeur, et les nacres s'en porteront mieux elles aussi.
Mickael greffe des mabés, collés directement sur la nacre.





dimanche 22 novembre 2015

Petites nouvelles en retard

Que voici un blog fichu en vrac! Le 22 novembre dans la journée, j'écris ce que j'ai ressenti au soir du 13 novembre, et le 22 novembre au soir, j'envoie ce que j'avais écrit à mon arrivée à Tahiti, soit ce qui me semble maintenant une éternité... Article écrit mais que je n'avais pas pu envoyer puisque, en arrivant à A'hé, l'atoll où se trouve Kamoka Pearls, j'avais découvert  à mon grand dam qu'internet marchait officiellement sur l'atoll, mais pas du tout dans la vraie vie...

Dooonc, voici mes premières impressions de Tahiti. Même vieilles de trois semaines, elles sont toujours valables. Et puis zut! Cela me ferait trop râler de les détruire après les avoir écrites!


Iorana, et mauruuru


Je ne me lasse pas de la gentillesse des gens ici…. A la plage, sur le bateau, les gens qui prennent leur guitare et qui chantent, comme ça, tout simplement. Les automobilistes qui s’arrêtent alors même que vous n’avez pas encore posé le pied sur la chaussée, et qui vous laissent passer avec un sourire.  Le bar qui n’a pas internet et dont la serveuse me court après sur le trottoir pour me dire « Au bar untel, vous l’aurez ! » Le vendeur de journaux qui me file en douce Tahiti infos, le quotidien gratuit parce que « La Dépêche de Tahiti, franchement, ça ne vaut rien ».
Sur le ferry entre Moorea et Tahiti, la musique, encore et toujours. "Sur 10 Polynésiens, 9 sont musiciens", s'amuse un monsieur. 

Au marché de Papeete.

Tahia, vendeuse originaire des Marquises au marché de Papeete; je mange avec elle et son voisin, qui s'appelle "Mitterrand, comme le président".


Et à Mooréa, encore, je devais prendre le ferry pour attraper mon avion vers A’he, l’atoll où j'allais wwoofer, et j’attendais désespérément le bus qui devait passer – promis juré – en concordance avec l’heure de départ du ferry ; mais ici, les bus passent, ne passent pas, on ne sait finalement jamais vraiment. Début de panique, je cours vers une voiture qui quitte le parking, et les gens : « Pas de problème, on t’y amène, tu auras ton ferry. » Alors que ce n’était pas leur chemin. Effectivement, je l’ai eu, et j’ai donc eu mon avion. Embrassades chaleureuses avec les occupants, mauruuru (merci) à eux !

Ou encore Elena, chauffeur de taxi originaire d'A'hé; plantureuse, un sourire comme ça, et elle s'amuse: "Mon nom polynésien c'est Pleurnicheuse, car quand je suis née je pleurais. Mais j'aime la vie, elle est trop courte pour être triste; j'aime chanter, c'est ce qui me fait oublier tout."

Dieu et le cyclone


Depuis plus d’un mois, la Polynésie française est en vigilance cyclone ; en cette année d’El Nino, on en prédit un fort. Sourire d’une dame : « Tous les gens achètent des cordes pour attacher leur toit, et le Chinois il devient riche (nombre de magasins sont tenus par des Chinois). Mais le monsieur là-haut, il rigole. Il fait ce qu’il veut ; comme tout le monde se prépare au cyclone, je te dis qu’il n’en fera pas. » Certes…

A la recherche du carton miracle


Si l’on me demande ce que j’ai fait à Papeete, je dirais que j’ai couru après un carton. J’ai en effet eu la joyeuse idée de vouloir envoyer un colis en France. Mais voilà, à la Poste, ils sont en rupture de stock de paquets colissimo depuis, euh, très longtemps, et ils en recevront d’autres dans, euh, encore plus longtemps. J’ai donc couru partout dans les magasins de Papeete pour trouver le carton miracle. Sauf qu’il n’avaient tous que des grands cartons. 

Finalement, j’en ai pris un grand, l’ai découpé, une dame m’a prêté ses ciseaux « Ce sont les ciseaux de mon grand-père, c’est de la qualité ! », une autre a proposé de m’aider à le découper, j’ai couru partout pour trouver du scotch et du papier kraft ; bref, ce qui devait prendre un quart d’heure a pris deux heures.   Comme me disait la dame aux ciseaux : « Tahiti, c’est le paradis, jusqu’à ce qu’on ait besoin de quelque chose de précis. C’est là qu’on voit qu’on est au bout du monde. »


Dauphins, baleines, requins et raies


Nous sommes en fin de saison de reproduction des baleines, en voir n’était pas garanti. J’ai tout de même fait une sortie baleine ; nous avons vu une mère et son baleineau. Certes, nous avons vu simplement le baleineau sortant pour respirer, mais à un moment la mère s’est retournée et nous avons vu surgir sa nageoire, un immense battoir qui se lève soudain dans les airs. Rien que la simple nageoire est impressionnante – trois ou quatre mètres de long –comment doit être l’animal entier….

Nous avons donc à peine vu les baleines, mais nous sommes tombés sur deux groupes de dauphins et un groupe de globicéphales, et nous avons nagé avec eux. Autant les globicéphales se fichaient complètement de nous et ont continué leur chemin, autant les dauphins ont joué avec nous. « Plus tu fais le guignol, et plus ils viennent pour te voir », nous a conseillé le guide. Faire le guignol, je sais faire : pirouettes, tonneaux, et hop ! Ils sont venus. Facile, hein?


A Mooréa, j'ai fait la grande classique, nager avec les raies et le requins (des « pointe noire », petits requins inoffensifs). Le lieu est connu, les raies et requins viennent manger le poisson qu’on leur donne. Les raies ont une peau d’une douceur incroyable, et elles viennent autour de vous, vous entourent avec leurs ailes qui battent harmonieusement, comme des voiles qui flottent autour de vous, c’est magnifique… Même si on se doute que les raies et requins du site ont un peu beaucoup perdu leur instinct sauvage, on ne boude pas son plaisir.
Les raies ont la peau incroyablement douce; c'est ce qui a fait leur malheur à une époque, puisque leur peau était utilisée sous le terme de galuchat, pour les belles du XXe siècle.

Irrealité....

Sentiment d'irréalité en ce vendredi 13 novembre. Après une semaine de travail à Kamoka, la ferme perlière, j'étais allée passer le week-end de l'autre côté de l'atoll d'Ahé, à la pension Raita, sous le vent. Vision paradisiaque, des bungalows sous les cocotiers, une plage de sable blanc, un lagon paisible, protégé des alizés, un eau passant par toutes les nuances inimaginables du vert et du bleu: émeraude, vert céladon, turquoise, cobalt, lapis-lazuli... J'avais passé l'après-midi  flâner, admirer les bénitiers sur les coraux, comme d'immenses bouches aux lèvres noires pulpeuses, ourlées de bleu, de vert, et violet, un spectacle fascinant.

Je pensais à toutes ces beautés dont j'allais parler lorsque j'aurais de nouveau un connexion internet (Ahé est le dernier atoll des Tuamotu à être quasiment sans internet, d'où l'interruption de mon blog) lorsque, au moment du repas, les deux autres hôtes présents m'ont annoncé les attaques à Paris.

Etre au milieu de la beauté et apprendre l'horreur, j'ai eu l'impression de flotter dans l'irréalité, et surtout j'ai eu le sentiment de "lâcher" mon pays en étant tranquille au bout du monde; une envie très forte d'être en France, de partager ces moments de douleur, de savoir, savoir et encore savoir...

Pour se souvenir qu'il y a heureusement de la beauté dans le monde, je partage juste ces quelques photos, prises à la pension, chez Raita, Willy et leur fils Roemara.

Les bénitiers; des lèvres ourlées de bleu, violet, mauve...

Le motu où est nichée la pension Raita.

Nocturnes,  nocturnes et encore nocturnes...



samedi 7 novembre 2015

Maeva à Tahiti!

Eh bien voilà, mon tour du monde se poursuit avec Tahiti, atteinte après 24 heures de voyage Managua - Houston - Los Angeles - Papeete. Pour ajouter du piment à mes aventures - c'est vrai, quoi, ces dernières semaines étaient vraiment trop tranquilles, hein... - mon sac à dos a été égaré entre Managua et L.A. Quand j'ai appris cela, j'ai failli craquer de nouveau "Oh noooon, pas encore une merdouille..." Heureusement, j'avais six heures d'attente à L.A. ce qui m'a laissé le temps de le retrouver dans l'avion suivant.

Ces différent vols m'ont permis de faire connaissance, entre Managua et Houston, avec Bertha, une Argentine vivant en Arkansas (en Arkansas???? Qui a envie de vivre en Arkansas???), une femme assez passionnante: toute Argentine qu'elle est, elle a été la première femme au Nicaragua à être vétérinaire spécialiste de l'insémination artificielle pour les bovins, et a donc arpenté le pays en long, en large et en travers pour intervenir dans les fermes.

Entendre parler l'araméen


Et à L.A., un couple a ri en me voyant écarquiller les yeux devant les trois misérables gouttes de mon expresso au prix exhorbitant de 3$ (en Amérique centrale, pour 3$ on a un repas complet) servi par un bulldog. Entendant la langue mystérieuse qu'ils parlaient, je leur ai demandé ce qu'elle était. De l'araméen! La langue du Christ... Je ne savais pas qu'elle était toujours parlée... Ils sont Assyriens babyloniens, m'ont-ils expliqué, et encore entre deux et quatre millions à parler l'araméen. Vivant à cheval entre l'Iran et l'Irak, chrétiens orthodoxes, ils sont, on s'en doute, dans une situation très difficile actuellement, en proie aux exactions de Daech. Nous nous sommes dit adieu, je leur ai souhaité bonne chance...

Et donc, me voici à Tahiti, pour un mois. Dans l'avion, en voyant qu'on nous offrait une fleur de tiaré à mettre à l'oreille (à gauche, mon coeur est pris, à droite il est libre), j'ai levé les yeux au ciel: truc à touristes, oui... Que nenni. Les gens, hommes et femmes, portent la fleur à l'oreille chaque jour, les femmes parfois portent une couronne de fleurs, et les gens sont incroyablement A-DO-RA-BLES!

Le pays de l'accueil


C'est peut-être un cliché, mais ce cliché est vrai et plus que vrai. Je n'ai jamais vu cela ailleurs, en tout cas pas à un tel degré. Sourire sincère; dans les magasins, tu ne trouves pas chez moi? Pas de problème, tu vois là, dans cet autre magasin, tu trouveras sans doute. Tu fais du stop? Une voiture s'arrête au bout de cinq minutes. Tu demandes ton chemin? On te l'indique avec un grand sourire. On te lance de grands "Iorana" (bonjour) simplement pour le plaisir.



Un dimanche a bord d'une rivière...

Etonnant: à Tahiti Iti (la presqu'ile de Tahiti), le plateau vous emmène en Normandie.


Cette gentillesse déteint même sur les popas, les blancs; même ceux venus de la métropole deviennent aussi chaleureux que les Tahitiens, c'est dire... Depuis une semaine que je suis ici, je continue à m'émerveiller de cela, je ne m'en lasse pas. Ce qui s'ajoute à la chaine de soutien qui s'était mise en place après mon agression et qui continue ici: Nagib, qui s'est occupé des papiers pour recevoir mon nouveau matériel (ordi, appareil photo, smartphone, et la carte de crédit, yessss!) acheté par des amis en France, et qui m'a hébergée, Mathieu, rencontré au Nicaragua et qui m'a hébergée aussi, Teva, chez qui j'ai couchsurfé et qui m'a bien aidée lui aussi...


Bon, en revanche, côté météo, il y a mieux: nous sommes en début de saison des pluies, et effectivement, il pleut!!! Bon, pas tout le temps, mais les nuages sont quasi-omniprésents.
Après, il est certain que lorsqu'on voyage une année, on ne peut espérer être en permanence dans la bonne saison...Mais les paysages sont magnifiques, des pitons escarpés, une débauche de verts de toutes les nuances (normal, avec toute la pluie), des cascades par milliers, et même parfois des ambiances normandes sur le plateau de Tahiti Iti (petite Tahiti, tandis que Tahiti Nui, où se trouve Papeete, est la grande Tahiti), ou alpestres avec des pentes couvertes de résineux.