Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

vendredi 29 janvier 2016

Tongariro, ambiance lunaire

Rédiger un blog de voyage est un plaisir, celui de partager ce qu'on vit avec ceux qui sont restés en France; en même temps, l'alimenter prend énormément de temps, un temps que je ne peux passer à savourer justement tout ce que je vis. Alors, que faire? Argl, pourquoi les journées n'ont-elles que 24 heures??? Je suis de nouveau face à ce dilemme: alors même que je suis au Japon depuis une semaine, je rédige encore sur la Nouvelle-Zélande... Dernier article, promis juré!!

C'est donc l'expérience du Tongariro Alpine Crossing, une randonnée d'un jour - environ huit heures - autour de volcans sur l'île du Nord, classée par les dix plus belles randos d'un jour au monde... Lorsque la météo le veut bien, ce qui n'est pas garanti en Nouvelle-Zélande, où l'on peut vivre les quatre saisons en un jour. Et sur le Tongariro, les saisons sont extrêmes... Pendant deux jours, toutes les randonnées avaient été annulées en raison du mauvais temps, aucune navette pour s'y rendre (en Nouvelle-Zélande, tout est extrêmement bien organisé, navettes, bus, tout est là pour permettre aux randonneurs de faire la traversée sans avoir besoin de deux voitures pour les points de départ et d'arrivée. Et si vous ratez le dernier bus, pas d'inquiétude, tout est prévu. La preuve:


"Bus tu as raté; frustré tu dois être. Zut! Je fais quoi maintenant?" Voyage dans sac à dos difficile a été, document très abîmé de ceci il résulte, mes excuses je présente...


Nous nous sommes retrouvés donc toute une tripotée pour faire la traversée, en comptant les frustrés des deux jours précédents. Le secteur est actif: à l'entrée, un panneau indique la conduite à tenir en cas de dégagement de fumées toxiques ou de coulée de lave.

L'expérience est très particulière, un monde où l'humain, voire la vie, n'a pas sa place: brouillard épais, paysage hostile, lunaire, froid pénétrant- enfin, pas pour tout le monde; une jeune fille a fait toute la montée en débardeur alors que d'autres portaient des gants, des bonnets, et que j'ai d'ailleurs regretté de ne pas en avoir. La jeune fille a ri: "J'ai trop chaud avec la montée pour ressentir le vent!" Bigre... Une vraie kiwi, à ne pas craindre le froid, habitués qu'ils sont au temps changeant du pays.

En haut, des rafales de vents vous déstabilisant au sommet de la randonnée, alors même qu'un cratère à pic est sous votre nez. J'ai compris pourquoi la traversée est interdite lorsque le temps est mauvais; un auto-stoppeur allemand nous avait raconté, à Susan et moi, qu'il avait été obligé de marcher à quatre pattes au sommet tant le vent était violent, et qu'il avait eu la peur de sa vie en pensant que le vent le pousserait vers la cratère - éteint heureusement celui-ci, mais un sacré trou quand même.












Quant à mon espoir de voir Mordor, l'antre de Sauron dans le Seigneur des Anneaux - c'est-à-dire le Mont Ngauruhoe - j'en ai été pour mes frais, caché que le sommet était dans la purée de pois.

Le brouillard et les nuages ont accepté cependant de se déchirer en milieu de journée, nous offrant la vision des Emerald lakes (lacs émeraude) et du Blue lake (lac bleu), des pics déchiquetés, de cet univers de roche rouge et grise, restant de chaudron infernal. Le troisième des lacs émeraude était saisissant, presque fluorescent tellement sa couleur est intense.







La randonnée en elle-même n'est pas très dure; là encore, l'organisation kiwie est passée par là et le chemin est large, des pontons de bois évitent de marcher sur les milieus fragiles et/ou difficiles. Et hormis le sommet de la randonnée, il n'y a pas de pentes très fortes. Non, ce qui le rend difficile, c'est le temps. En redescendant, nous avons pu voir le résultat des deux jours de pluie: la forêt était ravinée par les coulées de boue et sur une partie du sentier il est déconseillé de s'arrêter en raison des risques de coulées.








Il était d'ailleurs très intéressant de voir combien ces conditions météo étaient affrontée de façon très variable: cela allait des pros équipés comme pour de l'alpinisme aux shorts, t-shirts et tennis de ville. Ce jour-là, tout s'est bien passé, mais le gérant du backpackers me racontait que régulièrement les secours doivent intervenir pour des gens sous-équipés en hypothermie ou déshydradation, ou qui se sont perdus car ils ont entrepris la rando par mauvais temps...

La randonnée est magnifique, oui, mais ce que je retiens de mes deux jours là-bas, c'est le jour où, pour me balader dans les alentours, j'ai fait du stop et j'ai fait trois belles rencontres: Hiné, une très élégante Maori ayant travaillé pour l'OCDE à Paris et qui, ayant du temps devant elle et moi aussi, m'a emmenée visiter les environs en me parlant de la situation des Maoris en Nouvelle-Zélande - pas idéale, certes, mais autrement mieux que celle des Aborigènes d'Australie ou es Amérindiens, les problèmes de chômage, acculturation, alcoolisme, y sont bien moindres et les jeunes générations arrivent aujourd'hui un peu plus à aller jusqu'à l'université -; un vieux monsieur qui, malgré les 350 kilomètres qu'il avait à faire, a pris le temps de s'arrêter à un point de vue pour me montrer et m'expliquer la région; puis enfin un accueil à grand coup de léchouilles et de dandinement joyeux par Tau, un berger australien dont le propriétaire, mon troisième chauffeur, a sa fille qui fait du wwoofing en Europe.


Les gens: oui, c'est vraiment ce qu'il y a de plus génial en Nouvelle-Zélande...


jeudi 28 janvier 2016

Sur la route épisode 7: dernières visions de l’île du Sud et réflexions diverses et variées

Un voyage autour du monde est plein de merveilleux moments, mais aussi de moments difficiles, quand il s’agit de quitter des gens que vous aimez et dont vous ne savez pas si vous les reverrez un jour… Il a bien fallu un jour que je quitte Ponga pass et que je dise adieu à Susan et Geoffrey pour reprendre la route et remonter vers l’île du Nord.


Coucher de soleil sur Paroa beach.


La forêt, encore et toujours, et ses fougères immenses.



Heureusement, le bonheur de reprendre la route compense cette douleur, et j’ai repris mes rêveries devant les paysages qui défilent. Nimbée d’un brouillard impalpable, la côte longée par la route avait une sorte d’irréalité étrange… Falaises battues par les flots, plaines sauvages immenses se sont succédé jusqu’à Westport avant que la route ne me ramènent vers l’intérieur et ses ambiances de far-west : les fermes de bois, Murchison et ses rues bordées de bâtiments de bois semblables aux saloons des films de cowboys, première ville de l’émisphère sud à avoir l’électricité, les montagnes et collines d’herbe jaune qui se succèdent… J’ai pris en stop trois jeunes Belges venus passer six mois en Nouvelle-Zélande, des scouts j’en suis sûre ! Tellement ils étaient frais et sains, adorables.


Pancake rock.

Etranges paysages, où les Rocheuses se mêlent au "Monde perdu" de Jurassic Park.

Reconnaissables entre tous, les vans de location de Wicked car, BD ambulantes.


Le far west a laissé la place à la région de Marlborough, région viticole, dernière étape avant Picton et son ferry pour retrouver l’île du Nord. Evidemment, à s’arrêter partout pour admirer, prendre des photos, j’ai failli rater mon ferry. La compagnie m’appelle pour savoir si je vais arriver (car oui, en Nouvelle-Zélande, quand vous réservez un billet de bus, de ferry ou autre, on prend la peine de vous appeler pour s’assurer que vous serez bien là, incroyable, hein ?) et là, panique à bord en réalisant que le bureau est trop loin pour que j’y arrive à temps après avoir rendu ma voiture. Je gesticule devant une voiture et m’aperçois au dernier moment qu’elle est bourrée jusqu’à la gueule mais pas de problème, Madame grimpe à l’arrière avec un grand sourire en ratatinant les enfants, Monsieur rit en me voyant écrabouillée par mon sac à dos posé sur mes genoux à l’avant, et la petite troupe m’emmène jusqu’à la compagnie de ferry en me racontant joyeusement leur voyage en France et leur confrontation avec un boucher bougon qui faisait semblant de ne pas comprendre ce qu’ils disaient, avant de me quitter en me souhaitant bonne chance pour le reste de mon voyage. C’est ça, l’hospitalité et la serviabilité kiwies !!!!

Le seul panneau de ce style que j'ai pu voir. les kiwis ne sont plus très fréquents...

Sauvignon blanc, chardonnay, merlot, chiraz, pinot noir, mmmmhhh...

Des moutons et des vignes: un bon résumé de la Nouvelle-Zélande.


J’ai adoré ce pays, ses paysages et surtout ses gens. En un mois et demi, je n’ai eu qu’une confrontation négative, insultes, doigt d’honneur et photo de ma plaque d’immatriculation par une conductrice après que j’ai fait une erreur de circulation. Au poste de police, ils étaient d’ailleurs visiblement embêtés par l’ire de la dame car lorsque je suis arrivée pour m’excuser et payer une amende s’il le fallait, ils étaient déjà au courant, celle-ci s’étant précipitée chez eux ; ils m’ont laissée repartir après m’avoir gentiment grondée, en multipliant les conseils de prudence sur la conduite à gauche et en me souhaitant un bon séjour. Je vais me répéter, mais l’hospitalité et la gentillesse kiwies se sont encore manifestées ici. Pour moi, sur l’échelle de la sympathie, ils sont au même niveau que les Québecois.

Passage entre les deux îles, cette fois sur le chemin du retour.
 Et pourtant, aussi étonnant que cela paraisse, je pense que je ne pourrais pas vivre ici car il me manquerait une chose dont je me suis rendu compte qu’elle m’est indispensable, l’histoire. Comment dire ? La Nouvelle-Zélande a pourtant une histoire, celle des Maoris, des peuples qui les ont précédés puis celle des colons, mais c’est une histoire que je n’ai découverte qu’adulte. Elle n’est donc pas rattachée à cette période de l’enfance où nos rêves, les histoires que l’on entend nourrissent notre être profond, nous construisent et font vibrer les sentiments. Tandis que passer dans une ville d’Europe fait instantanément naître dans mon esprit des images issues de ces rêves d’enfant, fait vibrer des cordes intérieures, le sentiment d’appartenance. En Amérique ou au Canada, je n’ai pas ressenti cet étrange sentiment de manque comme en Nouvelle-Zélande car nos rêves d’enfance sont aussi nourris de westerns, on y trouve donc une correspondance.

Il y a pourtant des histoires en Nouvelle-Zélande, celles de la Terre du Milieu, et du mon de du Seigneur des anneaux... Les paysages splendides des films sont tous en Nouvelle-Zélande.

Comment ne pas penser à un ork?



L’histoire de la Nouvelle-Zélande est pourtant riche aussi d’enseignement sur les conséquences néfastes  sur l’environnement et par la suite sur la vie des gens, que peuvent avoir des actes faits 150 ans plus tôt. En seulement 150 ans, la nature du pays a en effet été totalement bouleversée. Avant l’arrivée des Européens, la Nouvelle-Zélande – Aotearoa l’ile du long nuage blanc pour les Maoris – était une île d’oiseaux ; les seuls mammifères étaient deux espèces de  chauve-souris. Sans prédateurs, les oiseaux ont désappris à voler, ou à nicher dans les arbres. Lorsque les Européens sont arrivés, ils ont fait venir non seulement des moutons, mais aussi des lapins pour l’élevage. Mais certains se sont échappés, et ont fait ce que tout lapin digne de ce nom fait, ils ont proliféré. N’ayant pas de prédateurs, ils ont fait comme en Australie, ils ont tout ravagé. Pour lutter contre eux, les mêmes Européens ont décidé d’importer des belettes, fouines et furets, au grand dam des scientifiques de l’époque qui craignaient que le remède soit pire que le mal. Ils ont pu éviter au moins l’importation de renards.
Les mustélidés se sont attaqués certes aux lapins, mais surtout aux oiseaux qui ne savaient plus voler, proies tellement faciles… Les oiseaux de Nouvelle-Zélande ont failli être exterminés et n’ont dû leur salut qu’aux protections mises en place. La lutte continue aujourd’hui, et l’on voit partout des pièges pour les mustélidés. C’est pourquoi les forêts semblent parfois étrangement silencieuses, commen vidées de leurs oiseaux. Heureusement, il reste le merveilleux chant du tui, à mi-chemin entre la flute et la clochette… Mais on entend surtout les chants des moineaux, merles, pinsons et alouettes.

Même problème pour les cerfs, chamois, daims que les Britanniques avaient importés pour le plaisir de la chasse. Ils se sont multipliés, ravageant la flore, d’où la chasse intensive qui a été mise en place, avec hélicoptère, fusil à lunettes voire mitraillette, version viandard. Ce carnage a permis de réguler la population, et aujourd’hui celle-ci est à peu près contrôlée. Importés d’Australie, les opposums ont fait des ravages eux aussi ; les wallabies sont à priori contrôlés et confinés sur une petite portion de l’île du Sud.


Invasifs de toutes sortes


La situation est la même pour les plantes. Ce qui était jadis un pays de forêt a été déboisé pour laisser la place aux pâturages à moutons, avec une herbe grasse et verte importée et irriguée. Heureusement, là où la forêt est restée, elle est relativement bien préservée. Les magnifiques fougères, dont la fougère argentée, symbole de la Nouvelle-Zélande, sont bien présentes ; et la foret humide est une splendeur, avec une âme. Cela dit, les nikau, palmiers aux fleurs rose pâle, ont été quasiment éliminés de l’île du Nord, pour la construction. Or, là encore, n’ayant pas de prédateurs, ils ont évalué avec une croissance très lente ; un arbre est adulte à 150 ans.

En revanche, les ajoncs (gorse), importés d’Ecosse par les bergers pour faire des haies, se sont intensément plus ici et ont envahi le pays. Là aussi, on lutte contre eux, ou plutôt on essaye d’éviter qu’ils ne s’étendent plus ; car les éliminer est impossible.

Et autour de Moke lake, on essaye aujourd’hui d’éliminer les conifères que les Européens avaient importés car ils voulaient que les Alpes du Sud ressemblent en tout point aux Alpes d’Europe, et recréer une petite Suisse dans l’émisphère sud. Sauf qu’à Moke lake, le climat est plus doux, les conifères y poussent donc trop vite et leur bois est trop fragile pour servir à quoi que ce soit.

Ainsi va la vie, où l’on essaye en permanence de réparer les erreurs du passé…


samedi 23 janvier 2016

Chez Susan et Geoffrey, galerie de personnages attachants

Dix jours à Ponga Pass, c'est quoi, donc? Pour montrer leur sens de l’accueil de Susan et Geoffrey, voici Richard et Rosa, lui d’Annecy, elle du Wisconsin, deux jeunes auto-stoppeurs; Susan les a rencontrés à la pharmacie de Greymouth car Richard s’était blessé au genou et le jeune couple ne savait pas où aller. Elle leur a proposé de les héberger le temps que Richard aille mieux. Le jeune couple a donc vécu dans un bateau au fond du jardin, transformé en habitation.



Et puis, du côté des amis, voici donc Claire, la Française que j’ai rencontrée à la course de chevaux, camarade de chorale de Susan. Lors de la randonnée sur la pointe Elizabeth, cette conteuse intarissable m’a expliqué l’histoire de la région, pourquoi elle avait été une des dernières à être développée : une côte hostile, des récifs sur lesquels on fait naufrage et, si l’on arrive à accoster, un comité d’accueil composé d’une barrière quasi-infranchissable de lax (chanvre), que seuls les couteaux de pêcheurs arrivent à tailler, et l’attaque par les tenamu, les mouches des sables – c’est sur la West Coast qu’elles sont le plus féroces – la vie rude des chercheurs d’or ; la West Coast était - et est toujours - avec Otago, la région aurifère du pays. Geoffrey perpétue la tradition, même si les sites deviennent de plus difficiles à trouver…

Claire, en pantalon et sac à dos, a une vision bien à elle de l'habillement chic pour la course de chevaux de Kumara.

Le chanvre en question, celui devant lequel les colons se retrouvaient à peine débarqués sur la côte.

Claire me mimant le weka, un des oiseaux endémiques de la Nouvelle-Zélande, a été un moment d'anthologie. Coureur comme la plupart des oiseaux de l’île (ils n’avaient pas de prédateurs avant l’arrivée des Européens), curieux comme une pie, il est la bête noire des jardiniers car il fouit le sol, comme les sangliers. Adieu salades et autres légumes lorsqu’il est passé par là ! La plupart des gens le tuent, Susan n’en a pas le cœur et quand elle en prend un au piège, elle le relâche au loin. Bref, Claire me raconte le weka, penchée comme un coureur sur le départ, prête à prendre la fuite comme lui : « C’est un voleur, il attrape tout ce qu’il trouve, y compris un porte-monnaie, et dès qu’il a un butin, il file avec en regardant à droite et à gauche  - mouvements de tête à l'appui - du style « Attention ! Est-ce que quelqu’un va me piquer mon trésor ? » et ce n’est qu’à l’abri qu’il l’inspecte pour voir si c’est intéressant. » Claire? Elle devrait faire du théâtre !

Un weka chanceux, remis en liberté par Susan. 

Développée après les autres, la West Coast a gardé son caractère rude, et ma vie à Ponga Pass m’a fait connaître quelques uns de ses représentants. Mick Collins, le sculpteur de jade qui a initié Susan il y a vingt ans ; une barbe blanche, chenu,  penché sur sa canne, pipelette et très marseillais dans l’enjolivement de ses histoires d’après Geoffrey, il m’a fait penser à ces personnages de Grandpa chez Lucky Luke, coincés sur leur chaise roulante et jamais plus heureux que lorsqu’ils peuvent s’échapper de la maison sur leurs quatre roues en brandissant leur fusil avec un grand « Yipeeee ! ».


Grâce à lui, j’ai découvert que la Nouvelle-Zélande avait participé à la guerre du Vietnam, il en est un vétéran. La différence avec les USA est que les soldats australiens et néo-zélandais étaient uniquement des volontaires ; lui-même s’est engagé pour lutter contre le communisme et est très fier de souligner que son grand-père a participé à la Première Guerre mondiale (à Gallipoli en Turquie), son père à la Seconde, et lui à celle du Vietnam : « La Nouvelle-Zélande a participé à toutes les grandes guerres », dit-il en gonflant le torse, c'est tout juste s'il ne sort pas le drapeau national. Il m’a raconté que c’est à la suite d’une expédition de quinze jours que ses cheveux sont devenus blancs du jour au lendemain. Aujourd’hui encore, il reste marqué par ce qu’il a vécu, et son corps porte encore les séquelles de l’agent orange (la dioxine), avec ses oreilles entre autres qui perdent chaque année des morceaux.


Eldorado sur Serpentine beach


Mick, c’est aussi l’histoire de ce jour où les pluies intenses ont fait ressortir l’or de la terre ; il revenait de pêche avec un copain quand, sur Serpentine beach, il a vu « la plage qui étincelait de paillettes, c’était comme l’Eldorado des légendes, il y avait de l’or sur quatre milles » - yeux au ciel de Geoffrey « Ben voyons… ». Avec son copain, ils ont décidé de revenir le lendemain avec du matériel pour récupérer ce trésor, mais voilà, la marée est passée par là, et le beau trésor pailleté est parti à la mer avant leur retour… Vérité, légende, je ne sais, mais l’histoire est belle, et Mick la raconte avec tant d’humour…


Autre personnage savoureux, Grandpa, le père de Geoffrey. Chercheur d’or lui aussi, fermier et chasseur, il a inventé un fusil à lancer un filet pour attraper le gibier. Sourire de Susan et Geoffrey : « Sauf qu’il n’a pas pensé à faire breveter son idée…  D’autres y ont pensé à sa place… » Il ne se pris pas pour me le montrer et se faire prendre en photo avec, sous l’œil un peu inquiet de Grandma, se demandant visiblement si la Française va se retrouver empêtrée dans le filet…



Que dire encore de ces dix jours? La vie à Ponga Pass, c’est aussi la rencontre avec John, un gars qui, il y a quelques années, a traversé toute la Nouvelle-Zélande du sud au nord à pied, sans le moindre argent, en comptant uniquement sur les rencontres et la confiance. Seule exception, la traversée par le ferry, qui lui a été offerte par des amis. Une aventure comme celle-ci peut se vivre en Nouvelle-Zélande car la confiance entre les gens y est un maître mot.

Au pays des "flossums"


C’est aussi cet Allemand pris en stop par le même John et qui, avec un humour très britannique, lui fait remarquer le nombre de flossums que l’on trouve dans le pays. Réponse de John : « Euh, tu veux parler des possums (opossums) ? » L’Allemand : « Non, non, ce sont des flossums. » John : « Je peux te garantir que ce sont des possums. » L’Allemand, imperturbable : « Non, des flossums, des « flat possums »… » c’est-à-dire des opossums plats, référence à tous ceux que l’on trouve transformés en crêpes sur les routes. En Nouvelle-Zélande, on n’a pas de hérissons, mais on a des flossums.

J’ai par ailleurs la fierté de dire que, chez Susan et Geoffrey, j’ai gagné mes galons « d’hôte HelpX dont on se souvient ». « Parfois on hésite à reprendre un HelpXer car cela peut être fatigant d’avoir quelqu’un chez soi et certaines relations ne sont pas faciles, me confiait Susan. Mais c’est la première fois que je vois quelqu’un qui répond avec enthousiasme quand je lui propose de désherber, tu as amené de l’énergie et de la vie dans la maison qui est devenue calme depuis que Navarré habite avec sa copine. Tu fais partie de ceux grâce auxquels on se dit « si, cela vaut le coup de continuer avec HelpX ». » J’avais les larmes aux yeux lorsqu’elle m’a dit cela…

Et pour Geoffrey, je serai toujours « Tutut ». Et oui, j’ai un eu choc le jour où il m’a dit qu’il ne comprenait pas quand je parlais. Non pas en raison d’un accent prononcé, mais parce que mon visage expressif et ma façon de parler très « bédéesque » en truffant mes phrases d’onomatopées sont parfois difficiles à suivre… La seconde de légère vexation passée, j’ai décidé de prendre cela avec humour – autant assumer mes mimiques, hein ? – et d’accepter mon surnom. Et de toute façon, comme je lui ai dit, il ne me battra jamais sur le terrain des onomatopées, scrtzfrtz !

Grandpa, lui, m’a trouvé un emploi idéal pour le cas où je me retrouverais au chômage : policière chargée de régler la circulation à Tijuana au Mexique : « Tu brandis les bras dans tous les sens de façon idéale pour cela ! » m’a-t-il dit en riant. Merci Grandpa, grâce à vous, mon avenir est assuré ! J

 Avenir incertain


Susan et Geoffrey, eux, vivent cependant actuellement des moments difficiles ; le dernier site aurifère que Geoffrey a exploité est épuisé, lorsque j’étais chez eux il était en phase de remise en état du site pour qu’il redevienne pâturage à moutons avec les bulldozers – d’où le fait que je n’ai pu voir son travail de chercheur d’or – et ses recherches pour de nouveaux sites étaient infructueuses, même si les mines exploitées restent encore nombreuses dans le secteur. Les recherches se font par exploration aérienne, étude géologique, sondages, l’exploitation elle-même se fait avec des dragueuses, des bulldozers, des pompes amènent et évacuent l’eau. Il espère trouver un site dans l’Otago, et sinon il retournera travailler au Yukon, au Canada, ce que le couple avait déjà fait il y a une quinzaine d’années. 

Dilemme pour Susan : le suivre et voir tous ses efforts mis dans son magnifique jardin risquer d’être réduits à néant si les locataires de la maison ne s’en occupent pas ? Ou rester, louer la maison, vivre dans le bateau pour s’occuper du jardin, mais être séparée de Geoffrey durant plusieurs mois ? Car ce jardin naturel est sa source de bonheur, de plénitude, sa nourriture physique et spirituelle…

Susan, Geoffrey, je ne sais si je vous reverrai un jour, mais je souhaite ardemment que vous puissiez trouver une solution, Susan que tu puisses continuer à suivre avec bonheur les progrès de ton jardin, Geoffrey que tu puisses un jour racheter l’hélicoptère de tes rêves… Merci pour ces moments, mon séjour chez vous est un de ceux qui m’a marquée, au même titre que la ferme RDF de Lucie au Québec et El Yunque au Nicaragua. Je vous aime et vous me manquez…


Nouveau jeu à être des reines sur leur trône, Susan et moi, cette fois sur Wood's creek, track, une ancienne mine d'or du début du XXe.

Avec Susan, nous avons revécu ensemble nos rêves de princesse d'enfant!...

jeudi 21 janvier 2016

Susan et Geoffrey, chronique de jours heureux

Mon dieu, que dire de mon séjour chez Susan et Geoffrey ? Un bonheur ! Deux sacrés personnages – un peu le mariage de la carpe et du lapin qui fonctionne - qui m’ont permis de découvrir d’autres sacrés personnages, ainsi que tout un pan de la vie kiwie que je n’aurais jamais imaginée… Style pionniers et dernière frontière : Geoffrey est chercheur d’or, fils et petit-fils de chercheur d’or ou fermier, et a également gagné sa vie en chassant les opossums (pour leur fourrure et car ils sont invasifs), en récoltant une mousse spéciale destinée à la culture des orchidées au Japon, en chassant le gibier par hélicoptère (c’est là qu’on prend conscience du fait que les dimensions ne sont pas les mêmes que chez nous, Europe densément peuplée : l’île du Sud ne compte qu’un million d’habitants, la West Coast est restée isolée encore plus longtemps que les autres et le gibier importé par les colons au XIXe siècle pour la chasse a proliféré car il n’avait aucun prédateur ; le chasser à l’hélicoptère ne gêne donc personne ici) puis en l’attrapant pour alimenter les fermes d’élevage de gibier. Dur à la tâche, costaud, les pieds bien ancrés dans la terre, un accent à couper au couteau et un cœur d’or.


Susan, elle, Américaine du Wisconsin, est tout le contraire. Passionnée d’agriculture bio, de yoga, de spiritualité, elle a travaillé dans les relations publiques avant de tout lâcher et partir de par le monde, d’arriver en Nouvelle-Zélande et de se retrouver à sculpter le jade à Greymouth ; c’est ainsi qu’elle a rencontré Geoffrey… et qu’elle a découvert les joies de la vie de femme au foyer et mère de famille. Navarré, leur fils, a 16 ans et comme il était enfant unique, ils ont pris l’habitude d’accueillir chez eux des auto-stoppeurs, puis des wwoofers par le site HelpX (HelpExchange). C’est ainsi que j’ai débarqué chez eux.


Geoffrey loue le hangar au propriétaire de cet hélicoptère. Il en avait un , qu'il a dû vendre car la vie de chercheur d'or est pleine d'aléas, et espère en racheter un, un jour...

A Pancake Rock, Susan et moi nous sommes amusées à jouer les reines sur nos trônes. 



A cup of tea, my dear? Oh, yes, please...



La maison est un hâvre de clarté, dont Susan a mis un an à dresser les plans – « Je voulais pouvoir voir la mer de chaque pièce importante », explique-t-elle - avec des objets glanés dans les puces ou faits à partir de la nature.

Affichée sur le frigo, cette pensée résume tellement bien Susan et Geoffrey...

Vue sur la mer depuis le jardin.

Chaque pièce donne sur la mer.

Susan a également créé des vêtements et accessoires à une époque.

Poisson-galets issu des plages voisines.



J’ai donc aidé Susan dans son beau jardin version heureux fouillis comme je les aime, et surtout, nous avons partagé de merveilleux moments, des confidences tout en désherbant et nettoyant le poulailler, des méditations le matin, des recettes de cuisine, des visites à droite et à gauche. Car Susan représente sans doute l’idéal du concept d’HelpExchange, en mettant en pratique les deux mots : « help », aider, mais aussi « exchange », échange. J’ai donc randonné avec ses amis, elle m’a fait visiter les environs, nous avons rendu visite à des voisins, à Grandpa et Grandma, les parents de Geoffrey, à Mick, le sculpteur de jade qui l’a initiée à son arrivée, nous avons parié (et perdu) à la course de chevaux, nous avons vécu une soirée de jeux d’anthologie avec des amis, bref, j’ai vraiment été partie intégrante de leur vie. Nous avons même fait un tir groupé chez le coiffeur, les quatre d’un coup, c’est dire !...

Autre séance de pose avec Susan, cette fois dans le jardin, à jouer les mannequins pour les guêtres made in Sélestat par Belle Lurette. Susan les a adorées, elles lui correspondant tellement! 


Jardin vivant, heureux fouillis...

Issus du travail d'une journée de pluie, les fleurs, coeurs et personnages de "wire art" destinés à tenir compagnie aux tournesols.