Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

dimanche 27 mars 2016

Chez Wat et Poh Layao, expérience karen trop courte

Il est toujours intéressant de voir combien un même laps de temps peut être compris très différemment suivant les situations. Prenez une semaine : lorsqu’on est en vacances, on vit 10 000 choses en sept jours, entre les visites, les restaurants, les rencontres, les activités diverses ; et l’idée de rester une semaine dans un même lieu semble une éternité. Quand il s’agit de wwoofer, donc de travailler et vivre avec des gens, c’est autre chose.

L’expérience que j’ai vécue chez Wat et Poh Layao, une famille karen près de Chiang Mai, m’a fait toucher du doigt combien une semaine pour wwoofer est trop courte, frustrante. D’autant plus que Wat et Poh, comme beaucoup de Thailandais, sont adorables mais réservés, et que les échanges restent restreints à cause de la barrière de la langue. Et encore, j’ai eu la chance d’être là en même temps qu’Emma et Brad, un couple australien qui a eu le coup de foudre pour les Layao ; depuis 2012 ils viennent pratiquement chaque année et parlent un peu thai et karen.

Wat et Poh sont donc un jeune couple karen – une des ethnies peuplant le nord de la Thailande – et ont deux garçons, Wichai et Suwichai, plus Murga, c’est-à-dire la grand-mère - la mère de Poh. En wwoofeurs, à part moi il y avait donc Emma et Brad, ainsi que Tom, français, et Sayaka, japonaise, remplacés ensuite par Sandra, australienne.

Poh tisse elle-même les vêtements traditionnels que porte la famille.

Jeux d'enfants: Suwichai et Wichai.


Wichai à la recherche d'une feuille de bananier.

Moment de tendresse entre Murga et Suwichai.

Pêche aux poissons-chat par Tom et Sayaka...

Et ça marche!
L'étang sert également de lieu de nettoyage anti-puces pour Batman par Tom. Batman aura eu une vie heureuse mais courte: quelques jours plus tard, nous l'avons trouvée morte sous la maison, nous n'avions jamais su pourquoi.

Murga et Murga. Elles préfèrent voyager à l'arrière du pick up.


Préparation de pâtés de riz pour Sayaka...

Et de riz à la banane à la vapeur pour Tom...


Et moi.

Le résultat.


Moments de complicité à la cuisine entre Poh et Emma.


Chez Wat et Poh Layao, c’était donc comment ? Après Happy Healing Home et toute la région grillées par la sécheresse, leur ferme était comme un oasis de verdure : des fleurs en profusion, un jardin luxuriant, des cultures de fruits de la passion éclatantes de tous les dégradés de vert, leur maison sur pilotis dominant un étang où les poissons-chats sont rois, et même une piscine – vide pendant mon séjour, mais piscine quand même. On voit que le jeune couple s’occupe de sa ferme avec amour.


La ferme est un oasis de verdure et de fraîcheur.






Le fait que celle-ci dispose d’une source aide grandement les choses, c’est certain : arroser les plantes tous les jours a ainsi été une de nos tâches quotidiennes. Le jour où j’ai arrosé seule le nouveau champ de fruits de la passion – où un système d’irrigation n’a pas encore été mis en place -, les muscles de mon dos s’en sont souvenu douloureusement pendant plusieurs jours : deux heures à remplir, trimballer et vider un arrosoir, le tout sous le soleil brulant…

Mon meilleur ami (ennemi?) chez Wat et Poh.

La coopérative du  village fait partie des King's projects, des projets de développement rural initiés par le roi Bumibol et destinés à lutter contre la déforestation, la pauvreté et la culture de l'opium. 

Quand la soleil brûle, travailler dans les plantations de fruits de la passion est un bonheur.

Notre tâche a principalement été d’arroser et désherber les plantations de fruits de la passion et d’ananas, avec quelques petites variétés : j’ai adoré l’expédition dans la forêt avec Murga, Sandra et Emma pour aller récolter des fruits destinés au Songkran festival, le Nouvel an thai, à la mi-avril. Les gens offrent ces fruits, sorte de petite crotte racornie, aux personnes âgées en signe de respect afin qu’ils en fassent des tisanes. Une inspection minutieuse de ces fruits m’a permis de voir que c’était les mêmes que ceux que pinaan Lak m’avait donné pour soigner mon mal de dents. Qu’est-ce à dire ? Personne âgée ? Mal de dents ? Faudrait-il y voir un lien de cause à effet ???...

Bref, nous avons donc récolté ces fruits. Comme ils poussent tout au sommet d’arbres haut perchés, comment fait-on ? Simple : on prend une liane accrochée à l’arbre et on secoue celle-ci comme un prunier pour faire tomber les fruits. Et si cela ne suffit pas, Murga grimpe à l’arbre. Pas mal pour une grand-mère, non ? J’ai voulu m’essayer au secouage de liane, mais tout ce que j’ai récolté a été une crise de fou-rire de Murga, chose exceptionnelle car Murga n’était pas vraiment ce qu’on appelle une rigolote…

Murga, grand-mère et grimpeuse agile.



Cette expérience m’a révélé par ailleurs une chose très intéressante et plutôt rassurante, celle de la capacité de notre corps à s’adapter à de nouvelles situations. Je m’étais en effet demandé comment j’arriverais à trouver ces fruits, petites crottes brunes au milieu des feuilles brunes. Or, au bout d’une demi-heure, mon œil avait appris à détecter relativement correctement leur présence. Je suis donc rassurée : en cas de catastrophe et d’obligation de survivre dans la nature, mon corps devrait pouvoir apprendre…

Il est parfois des tâches auxquelles on ne s’attend pas toujours : durant une journée entière, Murga, Sandra et moi avons écrasé les canettes de bière et de coca accumulées depuis une éternité par les volontaires à la ferme et dont un certain nombre étaient depuis devenues des nids pour les fourmis.  Cet exercice de concassage m’a permis de constater que les wwoofers ont manifestement une sacrée descente ; il n’empêche que je ne compte plus le nombre de fois où j’ai pesté contre les amateurs de bière et de soda durant cette journée, surtout lorsque nous nous retrouvions avec des fourmis mécontentes de voir leur nid détruit et qui nous le faisaient savoir douloureusement.


Semis de bok choy, un  chou très consommé dans la région.

Murga, très souriante n'est-ce pas, et une petite voisine adorable et malicieuse.


Durant les moments de repos, nous avons profité des différentes cascades des environs, à la grande joie de Wichai et Suwichai, apprécié les hamacs avec vue sur le petit étang, envoyé quelques feux d'artifice et – du moins pour Emma et Brad – descendu une quantité astronomique de bières (voir ci-dessus le résultat). La capacité des Anglo-saxons en la matière m’étonnera toujours…










Mais ce que je retiens de cette semaine est l’impression d’avoir pu simplement saisir quelques bribes de la vie de Wat et Poh, le regret d’avoir effleuré quelque chose sans avoir pu aller au-delà de la surface. En une semaine, les liens ne se créent pas. Je ne me fais pas d’illusion en ce qui me concerne : sitôt partie, sitôt oubliée. Mais c’est ainsi…








Mon bungalow






mardi 22 mars 2016

Pai: relax, Max

Avant de rejoindre la ferme de Wat et Poh, ma deuxième étape thai de wwoofing, j'ai donc passé également quelques jours ensuite à Pai, dont on m'avait dit que l'endroit était vraiment cool. A trois heures de route sinueuse de Chiang Mai, un village qui fut « découvert » par les hippies et où l’on va pour, eh bien, euh, ne rien faire. Se relaxer les doigts de pied en éventail, laisser passer le temps à côté de la rivière Pai, dans une température mille fois plus agréable qu’à Chiang Mai. On y trouve : des hôtels, des guesthouses, des magasins d’artisanat, des loueurs de scooters, des restaurants, des salons de massage, et encore des hôtels, des guesthouses, des magasins d’artisanat, des loueurs de scooters, des restaurants, des salons de massage.

Bienvenue à Pai!


De jour...


Comme de nuit...




!!!


Pai est un lieu où l'on va pour se relaxer et profiter de la vie. C'est la version  nordiste et campagnarde des îles et leurs plages.



Qu’y ai-je fait ? Je me suis baladée dans les rues, j’ai dormi perchée dans les airs au Spicy Pai backpackers hostel, dans un dortoir rigolo comme tout, où les lits de bambou sont comme des nids, j’ai testé le massage thai, qui n’a rien à voir avec ce que l’on pourrait penser : les manipulations, les pressions y sont extrêmement fortes, à la limite du supportable – mais dieu que ça fait du bien…

Le dortoir...

La vue depuis mon lit...

Et le comité d'accueil.

Dans les sources chaudes près de Pai.

J’ai également conduit un scooter pour la première fois de ma vie et disons que j’ai encore un peu de pratique à avoir… D’abord, ça démarre au quart de tour ces machins-là, et si cela va pour les virages à gauche, les virages à droite ce n’est pas vraiment çà, j’ai failli aller dans le décor quelques fois. J’ai opté prudemment ensuite pour le tour du pâté de maison par la gauche afin d’éviter de prendre directement une rue par la droite. A ma décharge, je n’étais pas la seule à merdouiller comme une débutante : nombreux sont les touristes qui, comme moi, en enfourchent un pour la première fois et terminent avec un bandage autour de la jambe.

Les petits inconvénients peuvent parfois créer de belles surprises : voulant voir un bouddha au sommet d’une colline, je me suis trouvée fort embêtée car il fallait prendre un virage à droite puis accélérer à fond pour prendre la montée. N’ayant pas vraiment envie de me casser la figure, j’ai préféré continuer tout droit vers une petite route où je pensais faire un demi-tour au pas et faire un chouette virage à gauche vers le bouddha. La petite route étant jolie, j’ai eu envie de la suivre avant de monter vers le bouddha, et je suis arrivée à Pou Na Pai, un hâvre de paix dans la verdure : un lieu créé par des Allemands en quête d’un développement spirituel ; chaque année ils s’y retrouvent pour simplement parler de spiritualité en-dehors de tout lien à une religion quelle qu’elle soit, des petites choses qui tissent le bonheur au quotidien, pour cultiver une certaine sérénité.


Nous Français, avec notre cartésianisme, ricanons facilement face à cela, et pourtant, au fil des années je me suis rendu compte combien il est ainsi des lieux, des gens, qui rayonnent une bienveillance, une aura positive, auprès desquels on se sent bien, tout simplement bien. J’ai vécu cela dans la nuit froide du mont Koyasan au Japon, j’ai vécu cela à Pou Na pai.