Wwoof autour du monde

C'est l'histoire d'une journaliste qui va se nettoyer les neurones durant un an en faisant du wwoofing autour du monde.

Pour ceux qui ne connaissent pas, wwoofing: willing workers on organic farms, c'est-à-dire aider des agriculteurs bio et en échange être logé et nourri.

Pourquoi du wwoofing? Parce qu'il combine tout ce que j'aime: la nature, le grand air - ah, les mains dans la terre, finir sa journée crottée - les voyages, les rencontres... Et surtout, je n'avais pas envie de "voyager pour voyager", mais trouver un fil conducteur et apporter ma petite contribution à une autre façon d'envisager notre monde.

Attention! Ce n'est pas un travail journalistique que je fais ici, je ne prétends pas à l'exactitude, mais au partage de ce que je vis. Pour le plaisir, simplement...

lundi 30 mai 2016

Kerala (1): les backwaters, et la croisière s'amuse

Comment être en Inde du Sud et ne pas aller au Kerala, découvrir ses canaux, les backwaters ? De ma ferme des Western Ghats je suis donc allée au Kerala. Sur une carte de l’Inde, la distance semble courte, mais l’Inde est vaste, n’est-ce pas, et les transports sont assez folkloriques…. Deux heures de bus brinquebalant et douze heures de train dans la seconde classe sans clim (pour la clim, il faut réserver à l’avance). Mais des voisins de banquette adorables, jamais avares en conseils, toujours curieux de savoir d’où je viens, et les fenêtres sans vitres laissent passer l’air, donc l’aventure est un plaisir.



Les backwaters, ont été l’occasion d’une belle surprise :  revoir Petra, une Suissesse avec laquelle j’avais wwoofé à Tahiti. Sans le savoir, nous nous sommes suivies sur les routes du Kerala et nous avons pu finalement nous retrouver et faire une croisière d’une nuit dans un houseboat avec sa sœur et Brigitte, une Hongroise rencontrée en chemin. Y a pas à dire, avec Facebook, le monde est petit….


Habillées de façon à respecter les codes de la pudeur indienne: jambes et haut du corps couverts. 


Et les backwaters en elles-mêmes? Euh… Elles m’ont d’abord fait l’effet d’être une sacrée arnaque, du moins à Allapuzha (Allepey). Oui, les canaux sont magnifiques, mais ils sont sales, très sales, surtout à Allepey qui croule sous le tourisme, et le houseboat sur lequel nous avons passé une nuit non seulement était miteux mais il nous a emmenées dans un lieu, plus laid que ça, tu meurs : un canal sans intérêt, bordé par une ligne d’arbres maigrichons. Pour un lieu classé au patrimoine de l’humanité par l’Unesco, ça le fait pas vraiment... L’avantage de ce lieu moche: les visiteurs y étant peu nombreux, les habitants étaient accueillants, heureux de parler avec nous. Comme quoi, tout a de bons côtés quand on a envie de les voir…







Rebelote le lendemain, avec un deuxième essai, cette fois en petit bateau à rames avec Brigitte tandis que Petra et sa sœur repartaient sur leur chemin, en espérant enfin aller dans les petits canaux, ceux que l’on voit sur toutes les publicités pour le Kerala : le pilote persiste à rester sur le grand canal, claironnant « If my client is happy, I am happy », Brigitte désespérant et moi grommelant que « S’il continue comme ça, je ne vais plus être happy du tout dans très peu de temps… ».

Finalement, nous les verrons les petits canaux, où les gens vivent leur quotidien entre air et eau: on y fait sa lessive, sa vaisselle, on prend son bain... Dès qu'on quitte un peu Allepey, on ressent le calme de la vie qui s'écoule au fil de l'eau. Certes, là aussi j'ai eu une certaine désillusion quant aux images que je m'étais formées en rêve en voyant la saleté et les déchets qui flottent partout, mais j'avais oublié que nous sommes dans des lieux de vie, avec tout ce que notre vie moderne produit chaque jour, dans un pays où l'on n'a pas les moyens de gérer ce qui en découle.







Cueillette des mangues.












Crépuscule sur les backwaters...

... et orage nocturne sur les mêmes backwateers.

Après, je suppose que lorsqu'on y met le prix, avec une croisière de luxe achetée depuis l'Europe, on a le privilège de voir des lieux préservés, loins d'Allepey l'ultra-fréquentée - le réseau des backwaters fait 900 km -; nous, en routards pur sucre, nous avons fait la croisière du pauvre. Savoureux et inattendu, nos moments ont été en permanence agrémentés par les hauts-parleurs des bateaux des partis politiques faisant la retape pour leurs candidats à quelques jours des élections législatives. Les backwaters au son des discours du PC et de la variété indienne réunis, un moment inoubliable J






Heureusement, la découverte de Malayalam guesthouse, petit trésor de bois et bambou au style colonial dont je rêvais depuis si longtemps – ah, l’Inde britannique fantasmée, son élégance, ses visions d’un thé dégusté élégamment sur une terrasse – m’a réconciliée avec Allepey. Après, ne rêvons pas: internet qui était supposé y marcher  ne marchait  bien sûr pas. Mais ceci n'aura été qu'une des nombreuses fois où le scénario a été joué ainsi...





Finalement, la plus belle image des Backwaters a été celle que j’ai vue depuis le ferry m’emmenant au sud vers Kulam et l’ashram d’Amma. Là, oui, j’ai vu la beauté des canaux, avec leur bordure de cocotiers. Cinq heures de belle croisière pour 80 roupies, contre une nuit miteuse à 2300 roupies et une excursion à la mords-moi-le-nœud en pirogue à 800 roupies, qui dit mieux ?

Le ferry relie Allepey à  Kulam, un voyage qui dure entre cinq et six heures.





Dur travail que celui des employés du ferry: soutenir le pilier...

... ou faire la sieste.

















Adugodi, mariage à l'indienne

Il est parfois des décisions prises en quelques secondes que l'on ne regrette pas. Alors que Sangita et Ashok m'emmenaient vers le bus qui devait me conduire à la gare pour poursouivre mon chemin vers le Kerala, ils m'ont annoncé que la veille, ils avaient été invités à un mariage le jour même au village voisin d'Adugodi. Quelques secondes de réflexion - j'y vais, j'y vais pas? -  et la remarque d'Ashok "C'est peut-être la seule fois dans ta vie que tu auras la chance d'assister à un mariage en Inde" m'ont conduite à décider de retarder mon départ d'un jour.

Et ce faut une très belle expérience, avec des gens adorables, heureux de m'accueillir, de prendre des selfies avec moi, de m'offrir le repas, qui m'ont invitée à me mettre au premier rang avec le photographe et le caméraman pour moi aussi prendre des photos...

Un cérémonial si complexe que les participants sont accompagnés et conseillés par d'autres pour ne pas se tromper... en particulier les parents de la mariée, totalement perdus et manifestement fort inquiets. Des moments de solennité lorsque le tissu masquant les deux futurs époux est abaissé, lorsque le prêtre bénit le riz, le jasmin et la noix de coco; moments de rire lorsque le même prêtre, qui a visiblement beaucoup d'humour, plaisante et fait rire tout le monde; moments de rire pour moi lorsque le prêtre fait comprendre au  témoin du marié qu'il commence à lui courir sur le haricot pour une raison qui me restera à jamais obscure...

La cérémonie dure deux heures, dans une chaleur étouffante; les témoins essuient continuellement le visage des mariés pour éponger la sueur durant que l'assistance papote, entre et sort, c'est bon enfant et parfois assez surréaliste.






















Et ensuite, bien sûr, repas servi sur les feuilles de bananier et séances de photos. Même si l'Inde est le seul pays de mon tour du monde où je me suis dit qu'il valait tout de même mieux éviter de boire l'eau du robinet, là je n'ai pas le choix: refuser l'eau qu'ils m'offrent aurait été impoli. Et finalement, eh bien, je m'en porte très bien ...
Quant aux tenues des femmes, la couleur de leurs saris, leurs bijoux, je ne me lasse pas de les admirer, je me réjouis de les photographier et de les voir si heureux de se faire immortaliser.


















Ah, et bien sûr, pas de réjouissances en Inde sans le betel que l'on mâche. J'ai testé, mais un tout petit, petit peu; je n'ai pas envie de voir mes dents devenir comme celle de ses accrocs...